Les routes de la soie – Poucepour1

Les routes de la soie

L’Ouzbékistan, carrefour du monde, épicentre du commerce et berceau des routes de la soie ! C’est ici qui se marchandaient les tapis, épices, soieries et les autres trésors des milles et une nuits qui faisaient jalouser tous les seigneurs européens. Il faut dire que Marco Palo dans le devisement du monde clamait les merveilles de ces nations, alors inconnus des notables et des plus puissants d’Occident.

Khiva, Boukhara et Samarcande ; des noms qui résonnaient dans la tête du petit enfant que j’étais, s’extasiant devant les récits du grand Marco Polo. Aujourd’hui j’ai la chance inouïe et le plaisir incalculable de pouvoir visiter ces cités légendaires de mes propres yeux, 700 ans après le marchand vénitien. L’Asie centrale, terre mystérieuse et incomprise où les empires des steppes se sont succédé avant les khalifats arabes et l’union des bolchéviques.


Aujourd’hui je souhaite répondre à cette simple question : comment l’ancienne influence soviétique et la nouvelle influence chinoise grandissante coopèrent au centre du monde ! Xi Jinping dans le cadre de son programme des nouvelles routes de la soie désire ramener dans son girond ces nouvelles nations, traditionnellement dans la sphère d’influence russe depuis le XIXème siècle. Les desseins chinois sont colossaux ; construction des infrastructures, investissements dans les usines, développement des plateformes commerciales ou encore rénovation des bâtiments culturelles. Pour autant, la Russie de Poutine ne semble pas avoir dit son dernier mot dans la région…

J’ai commencé à appréhender cette emprise chinoise en patientant dans le port de Bakou. Ecriture en caractères chinois plutôt qu’en cyrillique, drapeau rouge munis de 5 étoiles jaunes flottant côte à côte avec le drapeau Azerbaïdjanais et même une immense collections de posters et de photographies gigantesques relatant l’inauguration du port par haut membre du parti. La périphérie de l’empire soviétique serait elle en train d’être remise au centre de l’échiquier mondial par la Chine ? De la Caspienne au Xinjiang il y a 3000 km, trajet que Marco Polo effectua en 500 jours mais que Piotr mon camionneur ukrainien ferra en 5.

Le réseau routier Kazakh est très surprenant. Imaginez une splendide 4 voies en plein désert, ponctué de petites stations-service et de restaurants pour les caravaniers du XXIème siècle. Avec Piotr nous avons réalisé 500 km en 6 heures avec un 38 tonnes, moyenne enviable aux routiers européennes circulant sur les autobahn. L’Ouzbékistan semble en revanche avoir été moins chanceux vis-à-vis du génie civile. La route de la frontière jusqu’aux premières villes est une piste, mélange de terre, de sable et de quelques grains de goudrons d’une autre époque.

Imaginez vous, j’avais commencé le stop à 19h une fois passé toutes les formalités douanières. Le soleil n’avait pas encore terminé sa course, j’avais donc un peu de temps pour tendre mon pouce. En quelques instants j’ai trouvé deux ouzbeks roulant toute la nuit pour finalement arriver le lendemain à 7h dans la ville de Noukous ; 350 km en 9h. Il eu fallut 3 heures à Ibrahim pour se reposer, se restaurer et changer un pneu à minuit passé, quel trajet ! Voyant l’état du chemin, je fus même étonné que nous n’eûmes crevé qu’une fois. Pour un poids lourd, le temps est double. Rajoutez à cela les heures et les heures d’attente à la frontière et vous comprendrez pourquoi l’ensemble du trafics routier passe par le Kazakhstan au dépit de son voisin du Sud – bien que le chemin soit plus court sur une carte.

Une fois arrivé à Khiva le choc fut important ! Parking hors normes, groupes de touristes asiatiques grouillant partout et surtout venu admirer des merveilles architecturales refaites avec les fonds culturelles chinois. Si les bazars regorgent tout de même de produits artisanaux fabriqués localement – couteaux, objets en bois, tapis ou habits – il me serait trop fastidieux d’énumérer le florilège de produits « made in China » que l’on peut trouver. Les chinois ont réussi à copier à la perfection tout ce qui faisait la renommé des ouzbèkes ; foulards, parures, bijoux … sans compter tous les magnets, cartes postales ou autres souvenirs venant « traditionnellement » de Chine.

Ces touristes étaient venus dans un avion chinois, ils avaient emprunté une voie ferré construits par leurs ingénieurs, roulés dans un bus produit dans leur pays, visités avec un guide n’ayant pas grandi où il faisait visite, achetés des souvenirs peut être fabriqués dans leur ville pour tout simplement contempler des bâtiments qu’ils avaient eux même financés la rénovation. Ces chinois sont ils vraiment allés en Ouzbékistan ? Quand on sait que les seules choses Ouzbèkes avec lesquelles ils furent en contact ont été les grains de sables des tempêtes s’abattant sur Khiva ce jour là.


Samarcande, perle d’Asie, joyau des Timourides et Capitale de Tamerlan est sans doute l’exception qui confirme la règle. Que je fus frappé et sans voix devant la beauté des madrasas, des mosquées ou des mausolées. L’art islamique dans toute sa grandeur est rutilant. Les bulbes torsadés bleus azurs, les gigantesques portes, les rangées d’arcades et les séries d’alcôves nous transportent dans la peau de Marco Polo. Les mots me sont difficile pour décrire ce que j’ai ressenti dans cette cité d’exception.

Toujours est-il que la présence chinoise est inexistante. Comme si la république Ouzbèke avait su développer le tourisme dans une seule ville, mais que le voisin chinois avait été nécessaire pour étendre le tourisme à l’ensemble du pays ? Voies ferrés, tunnels, couronnes périphériques ont demandés l’aide du grand voisin. La jeune nation Ouzbèke, encore trop faible économiquement semble avoir eu besoin d’aide extérieure pour proposer un florilège de centre touristiques et culturelles, faisant le bonheur des touristes du monde.


Plus j’avançais vers la Chine, plus sa présence était grande. Produits chinois dans les supermarchés, faciès des individus, proportion de riz dans l’alimentation ou encore la glorieuse livre sterling se faisant remplacer par les Yuan dans les bureaux de change. C’est peut-être un détail pour vous, mais même au fin fond de la Turquie ont accepté les billets à l’effigie de la reine Elisabeth…

Cette sensation culmina à Almaty, dernière grande ville avant l’empire du milieu. A seulement 300 kilomètres de la frontière, je ne me croyais déjà plus au Kazakhstan. Ville à l’âme gigantesque avec ses embouteillages monstres, ses restaurants chinois à chaque coins de rues, ses cerisiers en fleurs bordant les grandes avenues ou bien des voitures d’origine chinoises, faisant disparaître du décor mes BMW et Mercedes qui me rassuraient tant. Almaty offre un concentré de l’Asie à elle seule sur tant de facettes que je ne fus pas déçu d’y rester une semaine pour comprendre cette ville dans toute sa profondeur.

Ressentir une nation et un peuple sans même y mettre le pied témoigne de toute l’influence exercé par le pays de Xi Jingping. Des abords de la mer Caspienne aux contreforts de l’Himalaya – barrière naturelle entre l’Asie Centrale et la terre du milieu -, le dragon chinois se réveille peu à peu. Même si je n’aurai pas la chance de visiter ce pays, observer et analyser son influence chez ses différents voisins fut peut-être encore plus intéressant pour comprendre sa puissance.

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