Lac Issyk Kul – Poucepour1

Lac Issyk Kul

Le lac Issyk koul est le plus grand lac du Kirghizistan. Ses environs sont peuplés de chevaux, de bergers, de petites cités et de merveilles naturelles. Il m’aura fallu 10 jours pour parfaitement visiter ces environs, rencontrer ses habitants et découvrir en profondeur la culture kirghize. Les kirghizes sont en effet un peuple fascinant, chaleureux, hospitalier et tiraillé entre recouvrir une culture nationale propre et rester sous protection du grand frère russe – qui pour beaucoup les a abandonnés en 1991.

En 10 jours j’ai été reçu par des nomades dans leur yourte, été accueilli par une famille kirghize comme si j’étais leur propre fils, effectué un trek de 3 jours à plus de 3000 mètres, découvert plusieurs sites naturelles d’exceptions et même pris en autostop par des personnes m’offrant de l’argent ! Mais surtout en 10 jours j’ai échangé avec un nombre incalculable de kirghizes sur l’économie, la politique, leur métier, leur culture, leur famille… se livrant toujours plus au voyageur que je suis.


Dans les voitures au bord du lac, une question revenait souvent ; « tu as prévu de faire un trek ici ? ». Il est vrai que cette région, connut pour sa nature et sa culture est très appréciée par les randonnées dans toute l’Asie centrale. Beaucoup de personnes rencontrés m’ont alors conseillé de faire « le Trek » du pays, l’ascension vers le lac Ala Kul. Situé en pleine chaîne de montagne de l’Himalaya, le lac Ala Kul est gelé près de 8 mois par an. En ce milieu de mois de Mai, le lac glacé vit ses derniers jours avant d’être complétement dégelé à la toute fin du moi de Mai. Découvrir un lac de glace à 3600m d’altitude ? Il n’en fallait pas moins pour que je fasse des provisions et m’élance à l’aventure !

Une marche d’approche de 20 kilomètres est nécessaire pour arriver au pied du lac. Cette première journée de marche est alors l’occasion de découvrir cette nature kirghize complètement immaculée ; Les chevaux galopent et broutent en liberté, les habitants de la vallée se déplacent en side-car sur des chemins boueux ou bien chaque randonneur croisé est prétexte à conversation. Quelques touristes européens sont venus faire ce trek pour découvrir les merveilles de la nature kirghize. Arrivé à 2700 mètres d’altitude, je plante ma toile de tente – qui ne m’avait pas servi depuis l’Azerbaïdjan ! -, fais un bon feu et reprends des forces pour le lendemain.

Aujourd’hui le ciel est gris, l’air s’est refroidi et l’atmosphère est bien moins chaleureux que la veille. 4h de marche supplémentaires, dans les pierriers, les glaciers et les rivières me sont nécessaires pour arriver au lac. Il est majestueux. Tout de blanc vêtu, l’épaisseur de glace est si faible ; on peut voir à travers ! Ce spectacle translucide offre un réfléchissement des quelques rayons de soleil de la journée sur cette étendue gelée. Le froid à 3600 mètres est transperçant mais le décor est inouï. Je réalise la grandeur de l’Himalaya, les montagnes alentours culminent à plus de 4000 ou 4500 mètres ! Le grand ballon des Vosges et le lac de Gérardmer semblent être des nains dans cette cour des géants.

Je n’ai que peu de temps pour admirer ce chef d’œuvre de mère nature, la pluie fait son apparition. N’ayant que peu envie de perdre pied sur des roches glissantes, je me lance corps et âme dans la descente. Je tombe plusieurs fois, me relève toujours pour arriver complètement trempé et transis de froid dans la vallée, près de 1000 mètres plus bas. L’orage, le tonnerre et le déluge m’y accueille, mon sac commence à prendre l’eau.

Par chance quelques kirghizes installent des yourtes pour les touristes qui devraient arriver dans les prochaines semaines. Voyant ma situation, ils m’invitent très chaleureusement à prendre un thé et à dormir dans une yourte à moitié finie ! Quelle joie après toutes ces péripéties ; je vais pouvoir dormir au sec. Une omelette cuisiné par le nomade des montagnes me permet le lendemain de rejoindre Karakol, encore des étoiles plein les yeux de ces 3 jours au cœur des montagnes ! Je négocie tout de même une place sur le side-car – revenant à la ville – pour m’éviter une dizaine de kilomètres inintéressantes dans la vallée déjà visité.

Je reprends alors l’autostop en sortie de la ville. Tendre mon pouce après plusieurs jours de pause est toujours excitant, l’incertitude et l’adrénaline sont au rendez vous ! Cette fois ci je tombe sur Dima, un topographe restaurateur – il faut dire qu’en Asie centrale les gens occupent beaucoup de métiers. Petit, mal rasé et le front dégarnie, il se propose rapidement de me faire visiter sa région. A ses côtes je découvre le groupe de falaises des « 7 taureaux » ; 7 parois fait de grès rouge aux nuances dorés. J’ai du mal à réaliser ce changement d’environnement, en moins de 24 heures je suis passé de la Suisse à l’Ouest Américain ! C’est ici que j’ai pu observer pour la première fois de mon existence des taureaux sauvages, évoluant dans les collines au grès de leurs envies.

Dima se propose alors de m’inviter chez lui, pour me présenter sa famille ; « mon fils a commencé l’anglais à l’école cette année, je veux qu’il discute avec toi ! ». C’est le sourire jusqu’aux oreilles que je découvre ses enfants, sa femme mais également son petit village. En plus de sa maison la propriété de Dima comporte un large terrain où paissent deux vaches et trois chevaux. Souhaitant lui donner un coup de main, je me saisis d’une fourche, pique le foins pour aller le distribuer à ses bêtes. J’apprends qu’ici il est monnaie courante d’avoir des animaux ; poules pour les plus pauvres, ânes ou vaches pour la classe moyenne tandis que les chevaux sont caractéristiques des plus aisés, je suis bien tombé ! Le reste de la soirée est délicieux, entre repas traditionnel, leçon d’anglais au fils de Dima et sauna russe.


C’est ému que je quitte une nouvelle fois des gens m’ayant reçu comme leur ami, comme leur frère, comme leur enfant. Je continue joyeusement le stop, avant de faire une rencontre qui va me faire prendre conscience de l’impact de choix anodins. Il est 11h lorsque je marche vers le croisement pour tendre de nouveau le pouce. Un couple s’arrête, ce sont des touristes ! N’ayant pas trop de plan, je les convainc d’aller visiter la grande cascade qui se trouve à moins de 30 minutes d’ici. Le mari est vidéaste tandis que sa femme est journaliste. Ils possèdent un drone et Mikhaïl me montre fièrement de magnifiques vidéos qu’il a réalisé pour son travail.

En arrivant au parking, nous apercevons la cascade, composée de multiples étages, elle s’étale sur près de 500 mètres de haut. Mikhaïl ne sortant pas son outil, je lui demande s’il compte l’utiliser tout en lui ventant les somptueuses photos et vidéos qu’il pourrait réaliser. Il décide donc de l’embarquer et après 15 minutes de marche, nous voici au pied de la chute d’eau. Le vacarme causé par le débit de l’eau nous empêche presque de communiquer mais Mikhaïl est désormais bien décidé à utiliser son jouet.

Le drone s’envole rapidement à plusieurs dizaines puis centaines de mètres de haut ; « j’ai 8 kilomètres de portée, c’est chinois ! ». Tiens donc, désormais un appareil technologique chinois est synonyme de bonne qualité ? Comme le monde change ! Nous ne pouvons plus voir le drone, perdu dans les airs tandis que le vidéaste le télécommande toujours, grâce à la caméra fixé sur ce dernier.

Un groupe scolaire arrive. Ils foncent à toute vitesse vers le cours d’eau, souhaitant prendre une douche sous la cascade ! Au bout d’une quinzaine de minutes, Mikhaïl pilote son appareil pour revenir à la base. Leur but premier étant de visiter le canyon de Skazkha, il serait temps d’y filer. C’est alors que le temps se suspend, un enfant plonge dans l’eau, éclabousse Mikhaïl qui lève les yeux pour regarder ce qui arrive. Deux secondes plus tard la télécommande du drone clignote rouge, le drone se dirige vers les rochers ! Mikhaïl redescend son regard, essaye de relever l’appareil mais rien n’y fait. On entend un gros « boum », l’écran devient noir, plus de nouvelle du drone.

Le couple a le visage terrifié, viendrait-ils de perdre en un instant leur outil de travail ? Ils essayent de rallumer la télécommande mais le drone ne se réveille pas. Nous partons alors à grande vitesse dans la montagne pour tente de le retrouver. Cette chasse au trésor durera 3 heures, en vain. L’appareil a disparu dans les profondeurs de la montagne. Anastasia est en pleur en revenant à la voiture ; « Il appartenait à mon entreprise, nous allons devoir emprunter pour le rembourser ». Mon sang se glace alors, je comprends rapidement que le prix de ce drone se chiffre en plusieurs milliers d’euros et non en centaines comme je le pensais.

Je me sens si misérable, si honteux et si gêné des mes incitations. Si je n’avais pas tendu le pouce, si je ne leur avais pas proposé d’aller à la cascade et si je n’avais pas demandé à sortir le drone, ce jeune couple ne seraient pas obliger de s’endetter… Bref s’ils ne m’avaient pas croisé ils auraient épargné plusieurs milliers d’euros, j’ai du mal à le réaliser. Ils me déposent en bas de la vallée, très ému que j’ai pris mon entière après-midi pour chercher avec eux, il faut dire que c’est bien le minimum. Cette histoire restera dans ma tête pour encore plusieurs heures, seule la nuit qui porte conseil viendra me délivrer de ce fardeau mental.


Mes autres jours aux abords du Lac se succéderont entre nuit chez l’habitant, visite de sites classés, discussions palpitantes avec mes conducteurs et une pluie de plus en plus oppressante. 4 jours après la tragédie du drone, la pluviométrie Kirghize atteint son paroxysme. Sur cette simple journée, il est tombé ce qui tombe habituellement en 4 semaines. Je ne quitte plus ma cape de pluie, la température frôle les 5 degrés. Cette chute des températures et cette accentuation des précipitations font que les différentes routes à plus de 3000 mètres d’altitudes deviennent impraticables, un épais manteau neigeux venant de faire son apparition. Je me résigne donc à revenir à Bichkek où la pluie n’est plus, les températures y sont estivales, de quoi me permettre de ne pas perdre pied dans mon aventure !

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