L’Asie Centrale – Poucepour1

L’Asie Centrale

Au carrefour des mondes, entre la civilisation chinoise, indienne, russe et farsi, se trouve l’Asie centrale. J’y ai passé 60 jours. À l’heure où j’écris ces lignes, cela représente moitié de mon périple sur les seuls Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizistan et Tadjikistan. Quel bilan peut-on alors tirer de ces 2 mois de découverte aux pays en Stan? 

Grâce à mes échanges, mes rencontres, mes visites et mes analyses je suis heureux de pouvoir tirer aujourd’hui plusieurs enseignements de ces nations et de ces peuples. En effet, combien d’entre vous serez capable d’expliquer la différence entre un Kirghize et un Kazakh ? Entre un Tadjik et un Ouzbèke ? Ou ne serait-ce que bien situer ces pays sur une carte ? Alors laissez-moi vous présenter ce que j’ai appris de 2 mois d’autostop en Asie centrale !

Si plusieurs empires ont contrôlé les steppes, les peuples ont réussi à préserver tant bien que mal leurs traditions, leur histoire, leur langue bref, leur culture. Puisant leurs origines dans les peuples Turcs, ces derniers – à l’exception du Tadjikistan – possèdent des langues mutuellement intelligibles avec la langue Turque. On peut également citer l’islam, comme religion commune à toute la région. Le dernier point commun notable est leur passé soviétique et communiste, ayant laissé des traces indélébiles tant dans la culture et la manière d’être des populations. L’exemple le plus frappant est la place des femmes dans la société ; celle-ci travaillent en moyenne plus et sont plus actives dans la sphère public que dans d’autres pays musulmans comme la Turquie.  

La première grande distinction que l’on peut établir est que le peuple tadjik est un peuple farsi, au même titre que les Iraniens ou les Afghans. C’est pourquoi leurs mœurs et leur langue est très différente de nos 3 autres nations. J’ai moi même passé moins de temps au Tadjikistan, je vais donc plus détailler mon analyse des Ouzbèkes, des Kazakhs et des Kirghizes. Ou plutôt devrais je dire des Ouzbekhistanais, des Kazakhstanais et des Kirgizishtanais. En effet ces derniers termes référent aux habitants des pays tandis que les formes plus courtes, généralement utilisés pour décrire ces populations référent à l’ethnie. Un pays comme le Kazakhstan n’étant composé qu’à seulement 2/3 de Kazakh, employer le terme Kazakh peut être très mal perçu si votre interlocuteur est de “culture” russe, ouzbèke ou même ukrainienne mais de nationalité Kazakhstanaise.


L’Ouzbékistan est un pays intrinsèquement agricole. Ses différentes agglomération ont surgis des oasis tandis que l’irrigation intensive a permis d’augmenter considérablement les terres arables. Le pays est fortement marqué par sa culture des routes de la soie, à l’image de l’artisanat le plus développé de toute la région. Si l’ethnie ouzbèke est majoritaire, il faut noter l’exception de la région du Ferghana qui est pleinement multiculturelle. Je vous invite à aller jeter un œil sur une carte, à observer le tracé de la frontière pour mieux comprendre ce constat qui apparaîtra tout de suite beaucoup plus logique. L’Ouzbékistan est aussi le pays le plus peuplé et le plus touristique de la région, à lui seule il possède une plus grande population que les 3 autres pays cités.

Le Kazakhstan est le plus grand pays de la région, c’est également le plus riche. Possédant du gaz, du pétrole, de l’uranium, de l’or et toutes sortes de ressources, le pays a habilement manœuvré sa diplomatie pour se rapprocher du voisin chinois tout en restant proche du grand frère russe. Cependant une partie des habitants est terrorisé par les évènements en Ukraine. Beaucoup craignent d’être le prochain pays sur la liste de Poutine. Ce ressenti est palpable : il y a 5 ans le russe était encore plus utilisé que le kazakh. Désormais nombres sont les inscriptions uniquement dans la langue nationale pour affirmer fermement leur identité à part entière. La culture ancestrale  kazakh semble ressurgir de nulle part, à l’image des statues des grands conquérants, des inscriptions en langue kazakh ou même la volonté grandissante d’abandonner l’alphabet cyrillique au profit du latin.

Avec les Kirghizes, les kazakhs sont avant tout un peuple de cavaliers. D’ailleurs pour beaucoup de kazakhs, les kirghizes ne sont rien d’autres que des kazakhs des montagnes et le grand conquérant Batyr est un héros commun aux deux nations. Les différences sont en revanche légions : le rapport à la Russie est différent, les kirghizes ont mis beaucoup plus de temps à se sédentariser et la sensation “d’international” dans les grandes villes kazakhs n’est en rien comparable à l’authenticité Kirghize. De plus l’économie kirghize est bien dépendante des transferts d’argents des immigrés travaillant en Russie.

Ces derniers sont en effet bien plus proches du grand frère, qui les a “abandonné” en 1991. Les nomades ont dû alors migrer dans les villes ; l’économie de marché ne rachetant pas les troupeaux au même prix qu’au bon temps du communisme, participant à la drastique éradication des dernières tribus nomades. La langue russe est aussi bien plus présente, tout le monde est bilingue – même les enfants de 5 ans ! À noter que la plupart des produits et des affiches publicitaires sont en une seule langue, le russe : situation complètement inimaginable dans les autres pays de la région. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les auberges de jeunesses de Bichkek grouillent de russes réfugiés, ayant fuit le régime de Poutine.


En tant que voyageur j’ai par nature un autre regard sur les peuples. La perception du voyage des locaux me fascinent, et n’a pas manqué de surprendre ici. Premièrement réussir à expliquer mon voyage ou mon projet fut bien plus compliqué que ce que j’imaginais. Les gens ici ne voyagent pas ou alors seulement 3% de la population. Le simple fait qu’un français vienne découvrir une petite ville d’Asie centrale était déjà tellement extraordinaire pour eux et suffisait à attirer toutes les curiosités; avalanche de questions, séances photos et nombreux cadeaux. Alors je ne vous raconte même pas lorsque j’expliquais à quelques uns que mon but est de rallier la France à la nouvelle Zélande en autostop…

Mes rencontres dans les écoles furent pour moi des opportunités de sonder les enfants de ces pays. Sans exception, j’avais plus visité leur pays, plus appris sur leur histoire et plus découvert leur gastronomie en 15 jours, qu’eux en 15 ans. Les gens ne s’intéresse pas tellement à leur culture, leur histoire ou même aux autres nations. Serait-ce une conséquence du communisme ? Mener sa vie sans se poser de questions ? Cela fait également réfléchir sur le concept de voyage qui semble être pleinement occidental. Les gens d’ici n’y pensent même pas. Leur expliquer qu’il est possible d’économiser pour pouvoir voyager ensuite est déjà inconcevable que je n’osais pas tellement évoquer mes sponsors.

En revanche à aucun moment je n’ai rencontré la misère ou la grande pauvreté. Les gens mangent à leur faim, s’amuse dans les fêtes publiques, sont heureux de festoyer entre amis et à l’exception que l’univers s’arrête pour eux au delà de leur région, ces peuples nous ressemblent énormément. Eh oui, 15 000 km d’auto-stop et je n’ai pas trouvé – à l’exception de quelques kirghizes – d’hommes vivant d’une manière très différente de la nôtre. Moi qui pouvais penser qu’ils vivaient comme à une époque très arriéré, il n’en est rien. Au Tadjikistan, les gens ne vivent pas comme au moyen-âge ! Les prix, bien que plus faibles ne sont pas non plus dérisoires.

Les jeunes boivent des coca cola en fixant leur téléphone, les grands pères sont assis sur des bancs publiques à commenter les passants, les supermarchés proposent les mêmes produits que chez nous, lorsqu’on appuye sur l’interrupteur l’ampoule s’allume… Beaucoup de mes préjugés se sont écroulés suite à mes expériences.

L’homme serait il en train de s’uniformiser ? Tout du moins dans les villes, ces dernières se succèdent et se ressemblent toujours autant. Les citadins du monde ne varient guère. Seuls les campagnes et les régions les plus reculés offrent cette touche d’authenticité que j’étais venu cherche au bout du monde. Mais est elle réellement significative ? Les quelques milliers de kirghizes vivant sous leurs yourtes ne sont qu’une goutte d’eaux comparés au million d’habitant de Bichkek… Sans doute que la réponse ne se trouve pas dans les perceptions de ce qu’on peut voir avec les yeux d’un occidentale, mais dans les échanges profonds avec ces populations qui feront alors ressurgir les différences que je cherche tant bien que mal avec notre civilisation.

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Rodriguez Marcel

Ce que tu fais c’est juste incroyable. Tu es à toi tout seul une source d’inspiration immense pour nombre de jeunes et j’en fait parti. J’adore suivre tes aventures, voir ton périple et ces beaux paysages. Tu mériterai d’être en partenariat avec une chaîne de télé qui relaierait ton voyage au fur et à mesure, une boîte de chaînes youtube qui trouverais ton concept super ! Juste continue comme ça et porte toi bien. Nous sommes nombreux à tes côtés.

Fred Martin

« On ne voit bien qu’avec le cœur l’essentiel est invisible pour les yeux » ça prend tout son sens quand on lit tout ton récit. Franchement il faudrait faire un film de cette merveilleuse aventure que tu as choisi de vivre. C’est passionnant et ça nous apprend plein de choses merci ☺️

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