Les Vietnamiens – Poucepour1

Les Vietnamiens

Si certains pays m’ont profondément marqué par leur riche héritage culturel, leur cuisine exquise ou leurs paysages à couper le souffle, le Vietnam quant à lui, m’a immédiatement saisi par l’âme bouillonnante de son peuple. Spontanéité, ruse et une énergie indomptable décrivent ce peuple extraordinaire, enveloppé dans une aura énigmatique.

Pourtant, la mise en garde récurrente contre les “viets” de mes amis ne tarde pas à se manifester. À peine arrivé à Dien Bien Phu, je commande une innocente noix de coco pour me rafraîchir. J’ai descendu les montagnes et la chaleur au fond de la cuvette est accablante. Des enfants armés de leurs épées en bambou m’interrompent sans cesse mais le problème commence au moment de régler l’addition. La vendeuse refuse catégoriquement de me rendre la monnaie, malgré notre accord préalable sur le prix. J’insiste pour obtenir ce qui m’est dû, en vain. La vendeuse de noix de coco hausse le ton, s’agite, pour ne pas dire qu’elle devient hystérique. Un petit attroupement de curieux et de badauds se forme même autour de nous. Je dois alors prendre mon billet de force dans le tiroir de sa petite échoppe, faire de la monnaie grâce à un passant, avant de filer, abasourdi, sous les huées et les aboiements de cette vietnamienne en colère…

La manière de communiquer dans ce pays m’est étrangère, un véritable mystère à élucider. Ça tombe bien, mon pouce droit commençait à s’ennuyer. Il faut dire que depuis l’Inde, je lui préférerais son cousin, plus compatible au sens de circulation. Dans leurs voitures, leurs marchés, leurs rues, leurs restaurants et leurs maisons, je progresse peu à peu dans ma compréhension de ce peuple vietnamien. Je réalise que, même entre eux, la politesse n’est pas toujours de mise, du moins pas telle que nous la concevons dans l’Hexagone. Les klaxons incessants, les hurlements et les échanges animés pour signifier un désaccord sont monnaie courante. Ce n’est pas choquant, c’est simplement leur mode de communication, ancré dans leur culture.

Au Laos, lorsque j’engageais la conversation avec des enfants, ces derniers prenaient la fuite, se cachant ou se blottant dans les bras de leurs parents. Ici au Vietnam, les enfants sont bien différents. Ils font le premier pas et s’approchent de moi spontanément. Les garçons s’amusent à jouer aux soldats, à mimer des célébrations footballistiques, ou à tendre la main pour un “check”. Quant aux filles, elles me proposent volontiers des raquettes de badminton (un sport extrêmement populaire ici) et elles entament la conversation. En traversant simplement un col, j’ai été témoin d’une métamorphose de l’interaction entre les individus, passant des rencontres les plus introverties aux interactions les plus extraverties de tout mon voyage.

Les adultes, à bien des égards, reflètent le comportement de leurs progénitures, que ce soit en bien ou en mal. Lorsque j’attends au bord des routes ou que je me promène dans les petits villages, je suis régulièrement invité à partager un repas. Généralement, une petite dizaine de Vietnamiens sont attablés. Ils me bombardent de questions, picorent directement dans les plats, et ne cessent de remplir mon bol. Tous les convives souhaitent trinquer avec moi et ne manquent jamais de remplir mon verre à ras bord. Ici, l’alcool de riz de production plus ou moins artisanale est la boisson de prédilection.

L’autostop n’est pas un souci non plus. La situation économique des vietnamiens est moins précaire que celle des laotiens, et leur curiosité les incite souvent à s’arrêter pour me prendre. Même si le concept ne semble pas aussi répandu, leur naturel beaucoup moins timide les pousse à m’embarquer. La plupart sont curieux et veulent savoir ce que fait un étranger ici avec un grand sac à dos. Notre trajet est parsemé de pauses café, de haltes pour admirer le paysage ou simplement pour fumer une cigarette. Il faut en revanche bien clarifier la situation avant de monter à bord, beaucoup s’improvisant taxi d’un jour…

Il y a toutefois des moments où la nonchalance et le manque de débrouillardise des vietnamiens me laissent perplexe. Par exemple, lorsque j’essaie de communiquer avec le personnel des restaurants ou des hébergements, il semble qu’ils ne m’écoutent pas, qu’ils ne prêtent aucune attention et surtout, qu’ils ne font aucun effort pour me comprendre. Dans un hôtel en particulier, il a fallu 10 minutes de conversation pour que mes interlocuteurs comprennent que je cherchais une chambre. Un record ! On aurait dit qu’ils pensaient que je venais ici pour acheter un vase… Parfois, les vietnamiens ne m’écoutent même pas et attendent que j’aie terminé ma phrase pour me tendre leur téléphone avec Google Traduction. Cela est quelque peu désagréable, provoquant bien souvent la sensation d’être oublié. Moi qui en Inde étais le centre de toute l’attention, ici je suis presque ignoré !

Par moments, j’ai du mal à m’empêcher de penser que les vietnamiens agissent encore comme des combattants. Se demandent-ils si je suis un nouvel ennemi, le touriste descendant des “impérialistes” français ou américains ? Les guerres incessantes pour l’indépendance auraient-elles profondément altéré le caractère et le comportement des vietnamiens ? Cette interrogation ne cesse de me hanter…

Les musées et autres sites dédiés à la mémoire militaire ne manquent pas de rappeler la lutte acharnée des vietnamiens à travers l’histoire pour leur indépendance. Chinois, mongols, espagnols, français, japonais, britanniques et américains se sont tous invités un jour ou l’autre au Vietnam pour en découdre. Cette culture martiale se reflète souvent dans les fresques des villages, les drapeaux qui flottent devant les écoles, les mini-chars téléguidés qui foncent vers moi dans la rue, et bien d’autres manifestations de l’héroïsme au combat. Il semble que rarement un pays ait été autant marqué par la guerre que le Vietnam.

Pour la première fois de mon voyage, la mentalité et le comportement des individus ne semblent pas être principalement influencés par la religion. Le Vietnam est un pays communiste, et le confucianisme ou le bouddhisme ne semblent pas aussi profondément enracinés dans les esprits que dans les autres pays d’Asie du Sud-Est. L’idéologie de Ho Chi Minh aurait-elle eu pour conséquence de créer une population par moments brutale, peu amène et rusée, tandis qu’à d’autres moments, elle se montre amicale et d’une générosité excessive ? J’ai visité d’autres pays communistes sans avoir jamais ressenti une telle dualité.

Les Vietnamiens, à l’image de bien des peuples, seraient-ils un miroir de notre propre personnalité ? Les aborder avec le bon état d’esprit serait-il la clé de rencontres réussies ? Un sourire, un ton calme et être serein semblent garantir qu’ils le soient aussi. En revanche, à la moindre méfiance ou signe qui pourrait les déplaire, ces derniers se braquent, se brusquent et n’hésitent pas à monter dans les tours.

C’est sans doute ma conclusion de plusieurs semaines à arpenter le pays. J’ai rencontré tous types de personnalités ; des personnes qui se moquent, qui me toisent, qui m’ignorent, qui me sourient, qui me renseignent, qui me font des blagues, qui me prennent en stop, qui m’hébergent, bref comme partout dans le monde ! Si la barrière de la communication interculturelle est importante, il ne faut pas la prendre comme un prétexte pour de mauvais rapports avec les individus. Connaissant les codes de la civilisation et dans le bon état d’esprit, rien ne semble s’opposer à la magie de la rencontre !

Cet état des vietnamiens se rapporte à l’ethnie majoritaire du pays, les Viet, excluant les Hmongs, les Taïs ou les Lo Lo. Ces peuples sont bien plus sur la réserve, toujours souriants et n’osant jamais déranger l’étranger de passage, au même titre que les laotiens !

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Magali Pastor

Hello lucas,
Profitant d’une retraite imposée dans ma chambre (Infectée par ce satané covid), je reprends la lecture in extenso de ton carnet de voyage. Je n’avais pas vraiment pris le temps jusqu’ici de te lire préférant les photos et vidéos plus faciles d’approche.
Et là, bien installée dans mon lit, en quarantaine, je lis tes aventures comme je lirais un roman, chapitre après chapitre. Et c’est un régal !
Merci pour ce partage émotionnel, géographique, culturel et… littéraire !
Bises de Sète

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