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La grande marche

« Deux intellectuels assis iront moins loin qu’un con qui marche » – Michel Sardou C’est au milieu de l’après-midi que je me rends à l’Ashram de Gandhi, accompagné de Nirbay et de son colocataire, qui m’ont hebergé la veille. Je découvre ce lieu si particulier où le personnage le plus illustre de l’histoire indienne enseignait. En parcourant les panneaux explicatifs, je tombe sur l’histoire de la Marche du Sel : Gandhi a parcouru 400 km en un mois pour se rendre dans des marais salants, récolter du sel et ainsi démontrer qu’il était possible de se passer de payer des taxes aux Anglais sur cette denrée. La carte de l’itinéraire me fascine. Soudain, l’idée de réaliser moi aussi cette marche me traverse l’esprit. Je ne sais pas ce qui se passe, mais en l’espace de deux secondes, ma décision est prise. C’est comme si j’avais un pressentiment de devoir entreprendre cette aventure à mon tour… Le premier jour, je marche le long des routes, d’abord dans la ville, puis à l’extérieur. Il me faudra tout de même 25 kilomètres pour sortir d’Ahmedabad, une ville de 10 millions d’habitants. Je traverse les ruelles, observe les échoppes, échange quelques mots avec les commerçants, et m’accorde des pauses pour admirer le ballet incessant de la circulation. Mes jambes sont particulièrement vaillantes, ce qui est de bon augure car je n’ai jamais marché autant avec un sac à dos depuis Liverdun. Je remarque alors l’organisation tout au long des routes indiennes, où l’on trouve partout des stands vendant tabac, boissons, sodas et chips. À 5 centimes le paquet de chips, je me demande comment vivent leurs propriétaires… Le deuxième jour, je marche sur de petites routes de campagne, à travers des hameaux, des rizières et des exploitations agricoles. Je découvre une Inde primitive et inconnue qui m’émerveille totalement. J’examine la structure des petits villages, la manière dont on plante le riz, ou encore comment les bergers s’occupent des buffles. Les kilomètres défilent, et les habitants sont de plus en plus perplexes de voir un étranger avec un gros sac à dos. Bien que je n’effectue pas d’autostop, je multiplie les rencontres avec des personnes qui m’interpellent tout au long de ma route. Si la plupart du temps c’est pour demander une photo ou connaître ma nationalité, la conversation s’épaissit parfois. En milieu d’après-midi, le fils d’un forgeron roule à ma hauteur, nous échangeons plusieurs phrases, puis il me guide jusqu’à chez lui. J’entre dans l’atelier familial où j’assiste à la fabrication de ciseaux à laine, tout en savourant une bonne tasse de thé. Ensuite, c’est l’instituteur du village qui souhaite me prendre en stop. Ému par mon projet, il me trouve une chambre dans l’hôtel de son cousin tout en me proposant un bon repas. Le troisième jour, je marche sur des sentiers agricoles, souvent composés de terre et de cailloux. La mousson les rend parfois impraticables, et je dois jouer les équilibristes pour sauter de tas de terre en tas de terre et éviter les flaques de boue. Bien sûr, je finis par tomber dedans à plusieurs reprises, mais je me relève à chaque fois. Immergé en plein cœur des champs indiens, je me retrouve au milieu de cette nature luxuriante. Pour la première fois de ma vie, je peux observer des iguanes, des boas, des tortues et d’autres reptiles dans leur état naturel. Mille-pattes, libellules, papillons, loutres et paons se promènent également sur les mêmes pistes que moi. Aux abords des villages, c’est une variété d’animaux tels que des singes, des chameaux, des buffles, des chiens, des cochons, des poules, des rats ou même des vaches qui vivent dans les décharges, à la recherche de restes de nourriture. Lors de mes pauses, j’observe les jeux des enfants dans les cours de récréation, ce que les femmes préparent à manger, les types de vêtements fabriqués par les couturières, comment les enfants sont chaussés… Cette contemplation des microcosmes, de petits mondes indépendants où le troc, l’entraide et la générosité semblent avoir remplacé l’argent, me fascine. Tel un ethnographe du siècle passé, tout m’enthousiasme chez ces populations si éloignées de la mondialisation. Qui aurait cru que j’apprendrais tant de choses dans cette campagne si inconnue ? Chaque village apparaît comme étant plus éloigné du précédent, un véritable oasis en plein désert. C’est pour moi l’occasion de recharger mes bouteilles, de me restaurer un peu, mais surtout d’être l’attraction du village. La plupart du temps, un cercle d’une vingtaine d’indiens se forme autour de moi. Ils me posent mille et une questions et font tout pour mon bonheur : “As-tu faim ?”, “Veux-tu boire ?”, “Où vas-tu dormir ce soir ?”… C’est ainsi qu’aujourd’hui, je dors dans une clinique un peu abandonnée. Les villageois me l’ont recommandée et je passe une excellente nuit, entouré de boîtes de médicaments, de matériel médical, avec la table d’opération comme un très bon sommier. Le quatrième jour est marqué par une pluie terrible. Les sentiers, les chemins et les pistes sont inondés et avancer devient périlleux. Je dois souvent me déchausser, retrousser mon pantalon et progresser mètre après mètre sur des chaussées devenues des piscines. Parfois, l’eau m’arrive au niveau du bassin. J’ai alors le sentiment de m’aventurer toujours plus profondément dans ces campagnes indiennes, tant l’accès est difficile et les infrastructures régressent. Chaque groupe d’habitations rejoint est une nouvelle victoire et me rapproche toujours plus de Dandi. Pour beaucoup de gens que je croise, je suis le premier étranger qu’ils voient de toute leur vie. Je me rends compte que je sors de moins en moins mon portefeuille, que je le range alors au fond de mon sac. En effet, les habitants remplissent tous mes besoins : eau, nourriture et logement. En fin d’après-midi, le sentier se transforme en une bassine de boue. J’essaie de l’esquiver avant de glisser et de tomber les deux pieds dedans. Bien que peu profond, mes chaussures restent bloquées. Je tire alors un coup sec, mon pied sort de la chaussure et la boue

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Les routes indiennes

L’autostop en Inde est fantastique : l’attente se réduit à une poignée de minutes et la communication s’établit aisément, transcendant ainsi les barrières linguistiques. Mais c’est bien au-delà du simple partage de trajet que s’élève cette expérience. Les conducteurs deviennent des compagnons de route, des amis d’un jour qui ne manquent pas de m’inviter aux fêtes, aux cérémonies, à séjourner chez eux, au restaurant ou même à m’offrir des cadeaux ou des offrandes… L’autostop en Inde, c’est également une immersion complète sur les routes. Plus que dans aucun autre pays que j’ai traversé, ces axes de communication dépassent leur simple fonction, c’est un lieu de vie à part entière. La diversité des moyens de transport reflète assez fidèlement la disparité des individus ; petites citadines, tuk-tuks, mobylettes, scooters, motos, SUV, bus, camions, poids lourds, engins de chantier, vélos, piétons, commerces ambulants… La route est un miroir de la civilisation indienne, quelle que soit sa caste, sa religion ou sa richesse, on se retrouve là, sur la route. Imaginez alors ma chance de pouvoir côtoyer, discuter et partager un bout de chemin avec toutes ces personnes. De plus, on trouve de tout sur les routes qui sont ponctuées de stations-service, de restaurants, de stands de street food, de petites boutiques, de temples, de vaches sacrées, de vendeurs ambulants… Les gens s’y arrêtent pour tout et n’importe quoi, et c’est à ce titre que les bandes d’arrêt d’urgence se transforment en une rue à part entière où la vie jaillit. Je vous présente alors quelques histoires sur près de 1200 km effectués à la force du pouce sur les routes indiennes. De Dharamshala à Delhi, je rencontre deux étudiants de mon âge. Le courant passe bien et ils veulent me ramener chez eux pour que je puisse rencontrer leur famille. Quelle bonne décision d’accepter ! Je suis alors accueilli comme un roi par des gens qui n’ont jamais vu un étranger en chair et en os de toute leur vie. Tarun se propose alors de m’inviter à passer la nuit, car le lendemain se déroule la fête du village, où sa famille prépare à manger pour près de 300 personnes. C’est pour eux un immense honneur de ramener un “blanc”. Je suis aux anges à l’idée de participer à une telle cérémonie, et je crois qu’eux aussi. Le lendemain, dès 6 heures du matin, toutes les femmes de la maison s’attellent à la tâche de préparer à manger. Les hommes, peu investis dans la cuisine, s’occupent principalement à préparer les offrandes pour les dieux ou à cuire le pain. Tarun et son ami, bien qu’ils se soient réveillés depuis l’aube, s’occupent en allant faire trempette dans l’abreuvoir à vache et en discutant avec leurs nombreux cousins qui reviennent au village pour ce jour. Vers midi, les convives commencent à arriver les uns après les autres. C’est alors que l’homme le plus âgé de la famille effectue les offrandes et incite les invités à remercier les dieux. Un rituel où il faut tour à tour jeter des grains de riz sur une noix de coco qui brûle de mille flammes entourée de couronnes de fleurs qui se consument bien. Après quoi, les enfants de la famille se mettent à faire le service du repas. Les femmes ont préparé différents thalis – plat en sauce indien – qui se mangent avec des galettes de pain. Je précise qu’il n’y a pas de couverts, on mange avec les mains. Je ne rate pas l’occasion de relayer les jeunes, à la surprise générale. Voir un invité, qui plus est blanc, faire le service les surprend beaucoup, et ils se sentent tous très honorés d’être servis par moi. L’après-midi se termine par une balade près de la rivière avec les autres grands ados de la fête, et heureusement l’oncle de Tarun, partant dans ma direction, me fait avancer de 100 km. Le lendemain, ce sont 17 véhicules qui me sont nécessaires pour relier la capitale indienne. Journée exténuante, sans cesse à la recherche de véhicules, à marcher, à agiter le pouce, à refaire les présentations, etc. Delhi est loin d’être un coup de cœur. Visiter une ville de 40 millions d’habitants par 40 degrés n’est sans doute pas la meilleure des choses. Outre quelques beaux monuments, la chaleur, la poussière et la saleté décuplées par rapport au reste de l’Inde rendent l’atmosphère fort peu réjouissante. Heureusement, j’arrive à retrouver le couple de chirurgiens londoniens qui s’apprêtent à repartir chez eux. Ainsi, je peux profiter d’un délicieux repas dans l’un des plus beaux hôtels 5 étoiles de la ville. Hauts plafonds, mobilier décoré, statues en marbre et couloirs ornés de mille et un tableaux, j’ai du mal à concevoir une telle opulence de luxe devant la misère qui m’accompagne à Delhi depuis 48 heures. Heureusement, Bill et Lindsey ne correspondent en rien à cela, ce sont des gens simples, honnêtes et très ouverts d’esprit. Nous passons une soirée mémorable, et ces Londoniens ne manquent pas de me rappeler mon excellente année d’échange que j’ai passée outre-Manche. Je reprends ensuite l’autostop, sur les bords d’une autoroute à 4 voies allant vers Mathura. Le trafic dépasse les lois de l’absurdité. En plus de la pluralité des véhicules, certains se déplacent à contresens ! Je rencontre alors pour la première fois de mon voyage un autre autostoppeur, indien cette fois-ci. Il attend depuis 1 heure là et aucune voiture ne semble s’arrêter pour lui. En revanche, à mes premiers coups de pouce, un splendide Range Rover pile et me fait signe de monter. Il m’explique bien que je suis le seul qu’il accepte, l’Indien devra attendre encore… L’homme est plus que dévoué, il fait un détour pour m’avancer, répond avec joie à toutes mes questions et me propose même à manger. Quel contraste avec l’homme froid qui avait refusé de faire monter l’autre autostoppeur. Vivaan m’explique alors le rapport des Indiens vis-à-vis des étrangers : “vous êtes des dieux pour nous”. Je lui demande plusieurs fois de répéter car je

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Le Dalaï lama

« On ne parle à JéhovahÀ Jupiter à BouddhaQu’en chantant » -Michel Sardou Certains moments, empreints d’une unicité rare et d’une magie envoûtante, transcendent le temps lui-même. Dès lors qu’ils se manifestent à notre existence, nous en saisissons la portée éternelle, sachant qu’ils demeureront à jamais gravés dans nos souvenirs et nous accompagneront tout au long de notre voyage sur cette terre. Ma rencontre avec Sa Sainteté le Dalaï Lama fut de cette trempe-là. Un de ces instants qui marquent une vie à jamais. Cette rencontre avec le vénérable chef spirituel des bouddhistes tibétains, lauréat du prix Nobel de la paix, vint couronner une semaine de rencontres enrichissantes, de réflexions profondes et de philosophies, au sommet d’une montagne. Permettez-moi de vous narrer mon séjour à Dharamshala. Mais revenons au commencement, comment me suis-je retrouvé à être béni par le Dalaï Lama ? Moi qui ne devais même pas passer par ce pays… Le refus obstiné du visa chinois fit surgir de nouvelles opportunités, et serrer la main de celui qui incarne le combat pour l’autonomie de sa terre fut une belle revanche du destin. Mes hôtes du Penjab m’avaient conseillé d’explorer l’Himalaya dans la petite bourgade de Dharamshala. Il n’en fallait pas plus pour me décider ; Ces paroles furent le déclic qui enflamma ma détermination Je suis toujours les conseils des locaux, et quelques coups de pouce supplémentaires m’ont permis d’y arriver. Poèmes tibétains, singes sautant de branches en branches, moines rasés en tunique rouge, restaurant tibétain, nombre de touristes affolant et température estivale… J’eus l’impression d’avoir quitté l’Inde bouillonnante pour me réfugier dans une parenthèse suspendue à 1800 mètres d’altitude. Randonnées, parties d’échecs avec les vieux du village ou encore discussion au sein de l’auberge de jeunesse se sont succédé le temps d’une journée, avant que je ne rencontre Penta et Guillaume, deux êtres qui allaient chambouler de la plus belle des manières ma semaine mémorable. Je me dois d’être honnête avec vous, en arrivant dans la ville je ne savais même pas que le Dalaï Lama s’y trouvait. Heureusement, j’ai entendu Penta – franco-tibétain – et Guillaume parler dans ma langue… Je leur ai glissé un « bonsoir », la discussion était lancée et j’ai ainsi pu séjourner 4 jours chez le cousin de Penta. Au cours de cette soirée, Penta m’a tout appris ; l’histoire du Tibet, la présence du Dalaï Lama et surtout son histoire tragique d’avoir fui le Tibet à 11 ans, sans sa famille. « Je vais rencontrer le Dalaï Lama demain », m’a-t-il ensuite lancé. J’ai explosé de rire comme il le fallait, pensant aveuglément qu’il était impossible de rencontrer une telle éminence. Après de longues explications, la réalisation s’imposa à moi : Sa Sainteté était accessible. Mon esprit fut en ébullition tout au long de cette nuit, et dès neuf heures du matin le lendemain, heure d’ouverture, je me tenais devant les portes de son bureau pour solliciter une audience. Hélas, l’agent du bureau ne voulait pas me recevoir ; « envoyez un mail ». Peu convaincu, j’ai décidé de rédiger un premier mail lorsque Penta arriva. En lui expliquant la situation, nous sommes rentrés dans le bureau. J’ai pu justifier que j’avais envoyé un mail et obtenir de la part de l’homme une réponse légèrement plus développée ; peut-être vendredi ou lundi… Les jours suivants, nous en avons appris beaucoup plus sur l’histoire du Tibet avec Guillaume ; nous avons même pu accéder aux archives contenant les premiers manuscrits bouddhistes ! Il faut dire que Penta jouit d’une certaine notoriété, il a passé une dizaine d’années ici… Chaque échoppe, chaque sentier, chaque personne qu’il croise lui remémore des souvenirs. Lors de mon attente, j’ai rencontré des personnes très inspirantes, j’ai beaucoup discuté, philosophé et même refait le monde. Il y a une énergie spéciale dans cette petite ville, comme si l’aura du Dalaï Lama irradiait toute la montagne. Nombre de voyageurs, happés par cet enchantement, s’y attardent des semaines, voire des mois, incapables de se défaire de ce coin de paradis, à la manière des compagnons d’Ulysse chez Lotophages. Tiens donc ? Lotos ça ressemble beaucoup à lotus, symbole de multiples religions dans ce pays. Faut-il y voir un signe ? Un autre jour, nous allons à la grande école tibétaine avec Penta. Elle regroupe 3000 enfants, dont la grande majorité sont des orphelins. Ils ont fui le Tibet sans leurs parents. Ils se retrouvent désormais dans cet pensionnat géant à vivre dans des dortoirs de 16. Leur sort n’est pas bien différent des petits choristes du film de 2004. En arrivant dans les lieux, en revoyant sa chambrée et ses enseignants, mon ami est submergé par l’émotion. Pour la première fois depuis 6 ans, il revoit la cantinière qui lui faisait à manger tous les soirs, son prof de maths, son prof de sport, etc. Revoir les lieux est tout aussi bouleversant et je ne manque pas de l’être moi aussi. Penta est emballé par mon projet d’aller parler aux enfants. Il demande alors une audience avec la grande directrice pour discuter d’une possible intervention dans l’école. D’abord réticente, mes explications progressives et les preuves de mes « conférences » dans d’autres écoles finissent de la rassurer, je reviendrai demain me présenter aux lycéens. Nous rentrons chez son cousin, retrouver Guillaume ainsi que d’autres amis pour passer une soirée d’anthologie au clair de lune. Le lendemain, à 10h58, devant la porte de classe, je suis avec le prof de maths, parlant peu anglais et très peu bavard. Je pense que les enfants ont 16 ans, mais je ne sais rien de plus. La sonnerie retentit, je pousse la porte, ils sont tous bras croisés à me fixer avec les yeux bien ouverts. Je les regarde en souriant et leur explique rapidement que je ne suis pas bien plus âgé qu’eux. Je déroule alors ma présentation, je développe mon projet, le but de mon intervention, ce que j’apprends de mes rencontres, les valeurs importantes pour l’autostop, mais nécessaires pour bien vivre en

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En Absurdie

« Dans un voyage en Absurdie, que je fais lorsque je m’ennuie » – Michel Sardou Après un périple de 15 000 km d’autostop à travers les terres et les mers, me voici enfin en Inde ! L’excitation d’être dans un nouveau pays fut rapidement engloutie par l’implacable réalité qui s’offrait à moi. Mes premières heures dans cette nation ressemblaient à un véritable cauchemar, une odyssée monstrueuse, un voyage en absurdie… “Pourquoi diable m’étais-je embarqué dans cette galère ?”, me répétais-je, impuissant face à l’incompréhension totale de ma présence ici. Les odeurs, la poussière, les fumées suffocantes, la foule oppressante, la chaleur écrasante, l’indigence absolue… Tout me répugnait. Je cherchais désespérément une bouée de sauvetage au milieu de cet océan d’inconnu indien, et les quelques panneaux dans la langue de Shakespeare étaient mes seules balises. J’avais l’impression d’avoir été arraché au paradis de l’Asie centrale pour être jeté en enfer. Je me persuadais même que j’avais ruiné mon voyage en prenant cette décision impulsive de venir en Inde. Rien ne me plaisait, l’atmosphère était insaisissable, et les gens qui me stoppaient tous les dix mètres pour prendre des photos avec moi ou me demander des dollars ne faisaient qu’empirer mon mal-être. Il m’a fallu une journée entière pour trouver un semblant de repères dans cet univers hostile et commencer à ressentir un soupçon de plaisir. Amritsar est la première ville indienne qui se dévoile devant mes yeux de voyageur ébahi. Quelle cité extraordinaire ! En tant que ville sainte des Sikhs, le temple d’or abrite les écrits originaux de cette religion, vieux de 500 ans. C’est un lieu de pèlerinage incontournable pour les 25 millions de Sikhs, et se tenir près de la piscine sacrée vous transporte au plus profond de votre être. Tout brille de mille feux, la foi de ce peuple vous pénètre jusqu’au plus profond de votre être, et les merveilles s’enchaînent avec une splendeur inégalée. Je ne regrette pas un seul instant d’avoir commencé mon séjour en Inde ici ; tout rutile. Après deux heures d’attente, je me retrouve enfin devant le livre sacré. L’atmosphère est transcendante. Il est presque impossible de décrire l’ambiance qui règne ici. Tout le monde semble être en état d’extase et d’émotion face à ce lieu d’une importance capitale pour les Sikhs. En visitant les différents étages, j’arrive dans une petite pièce paisible où seuls un vieil et un jeune homme lisent un autre ouvrage. Dès qu’il me voit, le plus jeune se lève et me fait signe d’approcher. Nous discutons pendant un moment, puis il m’invite à prendre le thé. Je suis stupéfait. Il interrompt la lecture du parchemin pour venir échanger avec moi ? Il m’emmène dans une petite salle où tous les gardiens se réunissent pour se reposer. Ils parlent tous un anglais courant, et je ne manque pas de les bombarder de questions. La conversation est fascinante ; tout ici m’émerveille ! Après un échange enrichissant, ils me guident vers la cantine, un lieu gigantesque où des repas sont servis gratuitement. Mais qu’est-ce donc ? Des milliers de personnes se massent devant une porte qui s’ouvre bientôt. Avec une harmonie étonnante et une discipline exemplaire, chacun se saisit d’un plateau, d’un verre et d’une cuillère avant de chercher une place dans l’enceinte. Une fois que tout le monde est assis, rangé en files de cinquante sur trente rangées, des cantinières nous versent différentes sauces, de l’eau et quelques galettes dans nos écuelles. Mes deux voisins ne tardent pas à engager la conversation avec moi, et ils sont surpris qu’un Européen ne préfère pas se rendre dans un restaurant. Le repas est copieux mais rapide, car la foule se masse déjà pour le prochain service. 17 heures en banlieue d’Amritsar ; je commence à agiter mon pouce à l’entrée de l’autoroute en direction de l’Himalaya. L’appréhension atteint son paroxysme car tout le monde m’a fortement déconseillé de faire du stop en Inde. Nombreux sont ceux qui m’ont catégoriquement affirmé que c’était impossible. “Ça ne marchera pas, ce n’est pas dans leur culture”, “Tu vas être perçu comme quelqu’un qui vole le travail des chauffeurs de bus et de taxi”, “Ce n’est pas intéressant financièrement, pourquoi tu t’embêtes ?”, “Vous, les Européens, vous pensez pouvoir tout faire comme chez vous, mais ici, c’est l’Inde”… Après cette avalanche de préjugés, il est temps de tenter ma chance. Une, deux, trois voitures… Les feux rouges de la voiture ! La voiture ralentit, je saisis mon sac et me précipite pour ouvrir la portière et entamer une conversation avec le conducteur. Son anglais est parfait, il est ravi de me prendre et en moins de deux minutes nous voilà en route vers ma destination ! Je suis rempli d’excitation, je n’arrive pas à y croire, c’est possible ! Je bouillonne intérieurement et j’ai rarement éprouvé une telle joie lors de ce voyage. Les voitures se succèdent, et je suis de plus en plus impressionné. Tous les Indiens qui me prennent parlent anglais couramment, c’est un énorme changement par rapport à avant. Quel bonheur de pouvoir converser comme au début de mon aventure, lorsque j’étais encore en Europe, et que la barrière de la langue n’était pas un problème. À l’entrée de Pathankot – mon chauffeur ne se rendant pas en centre-ville – il s’arrête à un café pour essayer de me trouver un autre véhicule. Un homme qui rentrait chez lui se propose de m’emmener sur son scooter. Au feu rouge, un homme sur une mobylette à côté de nous entame une conversation avec moi. Le feu passe au vert et nous continuons à échanger à 30 km/h. Il me propose alors de me faire visiter la ville, et au feu suivant, je change de moto et me retrouve avec lui. Mais qu’est-ce qui se passe ici ? C’est tout simplement incroyable de faire du stop ici ! Nous visitons le temple et en sortant, il me fait signe d’aller saluer son ami qui a une échoppe juste à côté. Au départ un peu froid, l’ami change

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Tadjikistan

Aucun film au monde, aucune pièce ne saurait transmettre autant de courants contradictoires et autant d’émotions que le Tadjikistan. Entre folie des grandeurs, hospitalité légendaire et nature immaculée, ce pays insaisissable regorge de paradoxes. L’opulence indécente y côtoie la pauvreté miséreuse, la gentillesse des cœurs n’a pas d’égale? l’ouverture sur le monde est en demi-teinte, à l’image de la diplomatie nationale qui semble un jeu d’équilibriste entre la dépendance russe, l’ouverture sur la chine et le support de l’union européenne. Les paysages sont également à la hauteur des discordances entre sommets de l’Himalaya,  vallées luxuriantes du Ferghana, déserts arides et vallées fertiles. C’est bien simple, voyager au Tadjikistan c’est comme regarder le match France Allemagne de Séville – ou encore France Argentine pour les plus jeunes. Nos semblants de certitudes s’écroulent aussi vite qu’elles se sont formées. Sensations, découvertes et apprentissage du Tadjikistan ne tiennent qu’un temps ridicule, peut-être encore moins longtemps qu’il ne faut pour marquer un but. Mes premiers aprioris sur le pays ont commencé au Kazakhstan puis au Kirghizistan lorsque je discutais avec mes conducteurs sur mon itinéraire. “Au Kazakhstan, au Kirghizistan ou en Ouzbékistan on est comme des frères on est gentils, mais au Tadjikistan ils sont méchants. C’est un pays dangereux. D’ailleurs ce n’est pas pour rien s’ils parlent la même langue que les Afghans” m’affirma Sergueï. D’autres points de vue de la sorte se sont enchaînés. Mais en tant que bon rationnel je ne voyais pas pourquoi de l’autre côté de la frontière du Ferghana tout serait si différent ; comment une simple frontière pourrait me faire passer du paradis à l’enfer ? Réalité ou bien peur de l’inconnu de ces habitants ? Mes premières minutes au Tadjikistan sont marquées par une altercation avec une dizaine de chauffeurs de taxi, voulant tous m’embarquer dans leur véhicule. En marchant en sortie du hameau à l’abri de cette horde, je commence à tendre le pouce lorsqu’une voiture s’arrête. Je lui fais comprendre que je fais de l’autostop, me met d’accord sur la destination et embarque dans son véhicule. Au moment de nous quitter, 5 minutes plus tard, l’homme me demande l’équivalent de 5€, somme exorbitante quand on sait que le SMIC local ne dépasse guère les 150€/mois. Il me faudra parlementer de longs instants pour m’en sortir en payant moitié, avec l’amer sensation de m’être fait rouler… C’est donc ça le Tadjikistan ? Sergueï avait il raison ? Khodjent est une ville tout à fait classique, on se croirait en Europe ! La population s’amuse en cette fin d’après midi au grand festival de la ville ; chanteurs, vendeurs de barbe à papa, brasseur et petit train font le bonheur des habitants. Je retrouve alors Khusrav devant le grand musée de la ville, mon hôte du jour. Nous devions simplement aller boire un coup, mais voyant ma difficulté à trouver un logement il s’est de lui même proposer à m’accueillir. Khusrav, comme ses amis, a effectué un Erasmus en Espagne. Il est bilingue en anglais, russe, farsi et tadjik et travaille pour une grande ONG agricole. Tous les 3 ressemblent terriblement à des européens, tant dans leurs mœurs, que dans leur travail ou leurs conversations. Que c’est déroutant au fin fond de l’Asie centrale. Avec eux j’en apprends un peu plus sur la dépendance du pays vis-à-vis des aides internationales, quelles soient russes, européennes ou chinoises. La maison de mon hôte brisera rapidement cette illusion d’un mode de vie à l’euorpéenne. Bien qu’ayant un très bon salaire, Khusrav habite dans la maison familiale avec ses parents, grands parents et ses cousins. Sa chambre ou plutôt la pièce de la maison qui lui est attribué comporte un lit, une table et un joli tapis. Il n’a rien d’autres. Il sortira alors quelques couvertures et coussins pour me permettre de passer la nuit à la “tadjik” à même le sol. La douche est tiède, les toilettes sont un simple trou et le faible aménagement du domicile dénote grandement avec ses fonctions. C’est avec émotion que je quitte Khusrav et sa famille le lendemain. Je dois tout de même aller saluer le grand père à moitié mourant dans son lit, le chef de famille, avant de pouvoir partir de l’habitation. En me dirigeant en sortie de la ville, un homme roulant en sens opposé commence à s’adresser à moi dans un parfait anglais. Que c’est étonnant ici ! Il a la trentaine va dans la même direction que moi et 3 minutes après me voilà dans sa voiture. Il est d’une grande bonté et fait rapidement tout me mettre bien à l’aise. Son sourire est communicatif et j’ai du mal à réaliser dans quel mauvais draps j’étais 24h auparavant. Au moment de me déposer Saïd me propose tout timidement de m’inviter chez lui. J’explose de joie, le sourire jusqu’au oreilles et je le sens rassuré aussi : “J’avais peur que tu te sentes obligé et que ça te mette en retard sur ton programme”. J’arrive alors dans un minuscule village, où mon nouvel hôte connaît tout le monde, où la route n’existe plus et où la maison familiale accueil encore plus de mondes.  “Nous sommes 20, toute la famille sauf mon oncle qui travaille en Russie”. J’apprends alors que 10% de la population Tadjik travail en Russie – le salaire y est 5 fois plus élevé qu’ici. Venant recouper les propos de Khusrav hier et de mes prochaines rencontres, beaucoup de Tadjiks avancent le chiffre de 50% de la richesse du pays qui viendrait de Russie – ce qui semble assez logique vu les chiffres donnés plus haut – 5*10%=50%. Le pays apparaît alors comme complément dépendant de la volonté de Poutine ; au moindre problème, le dirigeant russe remet en cause le fait que les tadjiks puissent aller travailler dans son pays sans visa, pour que le président du Tadjikistan s’exécute et écoute. Je passe une excellente soirée entre successions de plats délicieux, fruits secs, conversations et tasses de thé. Au moment de les quitter le lendemain, Saïd m’offre une

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L’Asie Centrale

Au carrefour des mondes, entre la civilisation chinoise, indienne, russe et farsi, se trouve l’Asie centrale. J’y ai passé 60 jours. À l’heure où j’écris ces lignes, cela représente moitié de mon périple sur les seuls Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizistan et Tadjikistan. Quel bilan peut-on alors tirer de ces 2 mois de découverte aux pays en Stan?  Grâce à mes échanges, mes rencontres, mes visites et mes analyses je suis heureux de pouvoir tirer aujourd’hui plusieurs enseignements de ces nations et de ces peuples. En effet, combien d’entre vous serez capable d’expliquer la différence entre un Kirghize et un Kazakh ? Entre un Tadjik et un Ouzbèke ? Ou ne serait-ce que bien situer ces pays sur une carte ? Alors laissez-moi vous présenter ce que j’ai appris de 2 mois d’autostop en Asie centrale ! Si plusieurs empires ont contrôlé les steppes, les peuples ont réussi à préserver tant bien que mal leurs traditions, leur histoire, leur langue bref, leur culture. Puisant leurs origines dans les peuples Turcs, ces derniers – à l’exception du Tadjikistan – possèdent des langues mutuellement intelligibles avec la langue Turque. On peut également citer l’islam, comme religion commune à toute la région. Le dernier point commun notable est leur passé soviétique et communiste, ayant laissé des traces indélébiles tant dans la culture et la manière d’être des populations. L’exemple le plus frappant est la place des femmes dans la société ; celle-ci travaillent en moyenne plus et sont plus actives dans la sphère public que dans d’autres pays musulmans comme la Turquie.   La première grande distinction que l’on peut établir est que le peuple tadjik est un peuple farsi, au même titre que les Iraniens ou les Afghans. C’est pourquoi leurs mœurs et leur langue est très différente de nos 3 autres nations. J’ai moi même passé moins de temps au Tadjikistan, je vais donc plus détailler mon analyse des Ouzbèkes, des Kazakhs et des Kirghizes. Ou plutôt devrais je dire des Ouzbekhistanais, des Kazakhstanais et des Kirgizishtanais. En effet ces derniers termes référent aux habitants des pays tandis que les formes plus courtes, généralement utilisés pour décrire ces populations référent à l’ethnie. Un pays comme le Kazakhstan n’étant composé qu’à seulement 2/3 de Kazakh, employer le terme Kazakh peut être très mal perçu si votre interlocuteur est de “culture” russe, ouzbèke ou même ukrainienne mais de nationalité Kazakhstanaise. L’Ouzbékistan est un pays intrinsèquement agricole. Ses différentes agglomération ont surgis des oasis tandis que l’irrigation intensive a permis d’augmenter considérablement les terres arables. Le pays est fortement marqué par sa culture des routes de la soie, à l’image de l’artisanat le plus développé de toute la région. Si l’ethnie ouzbèke est majoritaire, il faut noter l’exception de la région du Ferghana qui est pleinement multiculturelle. Je vous invite à aller jeter un œil sur une carte, à observer le tracé de la frontière pour mieux comprendre ce constat qui apparaîtra tout de suite beaucoup plus logique. L’Ouzbékistan est aussi le pays le plus peuplé et le plus touristique de la région, à lui seule il possède une plus grande population que les 3 autres pays cités. Le Kazakhstan est le plus grand pays de la région, c’est également le plus riche. Possédant du gaz, du pétrole, de l’uranium, de l’or et toutes sortes de ressources, le pays a habilement manœuvré sa diplomatie pour se rapprocher du voisin chinois tout en restant proche du grand frère russe. Cependant une partie des habitants est terrorisé par les évènements en Ukraine. Beaucoup craignent d’être le prochain pays sur la liste de Poutine. Ce ressenti est palpable : il y a 5 ans le russe était encore plus utilisé que le kazakh. Désormais nombres sont les inscriptions uniquement dans la langue nationale pour affirmer fermement leur identité à part entière. La culture ancestrale  kazakh semble ressurgir de nulle part, à l’image des statues des grands conquérants, des inscriptions en langue kazakh ou même la volonté grandissante d’abandonner l’alphabet cyrillique au profit du latin. Avec les Kirghizes, les kazakhs sont avant tout un peuple de cavaliers. D’ailleurs pour beaucoup de kazakhs, les kirghizes ne sont rien d’autres que des kazakhs des montagnes et le grand conquérant Batyr est un héros commun aux deux nations. Les différences sont en revanche légions : le rapport à la Russie est différent, les kirghizes ont mis beaucoup plus de temps à se sédentariser et la sensation “d’international” dans les grandes villes kazakhs n’est en rien comparable à l’authenticité Kirghize. De plus l’économie kirghize est bien dépendante des transferts d’argents des immigrés travaillant en Russie. Ces derniers sont en effet bien plus proches du grand frère, qui les a “abandonné” en 1991. Les nomades ont dû alors migrer dans les villes ; l’économie de marché ne rachetant pas les troupeaux au même prix qu’au bon temps du communisme, participant à la drastique éradication des dernières tribus nomades. La langue russe est aussi bien plus présente, tout le monde est bilingue – même les enfants de 5 ans ! À noter que la plupart des produits et des affiches publicitaires sont en une seule langue, le russe : situation complètement inimaginable dans les autres pays de la région. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les auberges de jeunesses de Bichkek grouillent de russes réfugiés, ayant fuit le régime de Poutine. En tant que voyageur j’ai par nature un autre regard sur les peuples. La perception du voyage des locaux me fascinent, et n’a pas manqué de surprendre ici. Premièrement réussir à expliquer mon voyage ou mon projet fut bien plus compliqué que ce que j’imaginais. Les gens ici ne voyagent pas ou alors seulement 3% de la population. Le simple fait qu’un français vienne découvrir une petite ville d’Asie centrale était déjà tellement extraordinaire pour eux et suffisait à attirer toutes les curiosités; avalanche de questions, séances photos et nombreux cadeaux. Alors je ne vous raconte même pas lorsque j’expliquais à quelques uns que mon but est de rallier la France à la nouvelle

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Lac Issyk Kul

Le lac Issyk koul est le plus grand lac du Kirghizistan. Ses environs sont peuplés de chevaux, de bergers, de petites cités et de merveilles naturelles. Il m’aura fallu 10 jours pour parfaitement visiter ces environs, rencontrer ses habitants et découvrir en profondeur la culture kirghize. Les kirghizes sont en effet un peuple fascinant, chaleureux, hospitalier et tiraillé entre recouvrir une culture nationale propre et rester sous protection du grand frère russe – qui pour beaucoup les a abandonnés en 1991. En 10 jours j’ai été reçu par des nomades dans leur yourte, été accueilli par une famille kirghize comme si j’étais leur propre fils, effectué un trek de 3 jours à plus de 3000 mètres, découvert plusieurs sites naturelles d’exceptions et même pris en autostop par des personnes m’offrant de l’argent ! Mais surtout en 10 jours j’ai échangé avec un nombre incalculable de kirghizes sur l’économie, la politique, leur métier, leur culture, leur famille… se livrant toujours plus au voyageur que je suis. Dans les voitures au bord du lac, une question revenait souvent ; « tu as prévu de faire un trek ici ? ». Il est vrai que cette région, connut pour sa nature et sa culture est très appréciée par les randonnées dans toute l’Asie centrale. Beaucoup de personnes rencontrés m’ont alors conseillé de faire « le Trek » du pays, l’ascension vers le lac Ala Kul. Situé en pleine chaîne de montagne de l’Himalaya, le lac Ala Kul est gelé près de 8 mois par an. En ce milieu de mois de Mai, le lac glacé vit ses derniers jours avant d’être complétement dégelé à la toute fin du moi de Mai. Découvrir un lac de glace à 3600m d’altitude ? Il n’en fallait pas moins pour que je fasse des provisions et m’élance à l’aventure ! Une marche d’approche de 20 kilomètres est nécessaire pour arriver au pied du lac. Cette première journée de marche est alors l’occasion de découvrir cette nature kirghize complètement immaculée ; Les chevaux galopent et broutent en liberté, les habitants de la vallée se déplacent en side-car sur des chemins boueux ou bien chaque randonneur croisé est prétexte à conversation. Quelques touristes européens sont venus faire ce trek pour découvrir les merveilles de la nature kirghize. Arrivé à 2700 mètres d’altitude, je plante ma toile de tente – qui ne m’avait pas servi depuis l’Azerbaïdjan ! -, fais un bon feu et reprends des forces pour le lendemain. Aujourd’hui le ciel est gris, l’air s’est refroidi et l’atmosphère est bien moins chaleureux que la veille. 4h de marche supplémentaires, dans les pierriers, les glaciers et les rivières me sont nécessaires pour arriver au lac. Il est majestueux. Tout de blanc vêtu, l’épaisseur de glace est si faible ; on peut voir à travers ! Ce spectacle translucide offre un réfléchissement des quelques rayons de soleil de la journée sur cette étendue gelée. Le froid à 3600 mètres est transperçant mais le décor est inouï. Je réalise la grandeur de l’Himalaya, les montagnes alentours culminent à plus de 4000 ou 4500 mètres ! Le grand ballon des Vosges et le lac de Gérardmer semblent être des nains dans cette cour des géants. Je n’ai que peu de temps pour admirer ce chef d’œuvre de mère nature, la pluie fait son apparition. N’ayant que peu envie de perdre pied sur des roches glissantes, je me lance corps et âme dans la descente. Je tombe plusieurs fois, me relève toujours pour arriver complètement trempé et transis de froid dans la vallée, près de 1000 mètres plus bas. L’orage, le tonnerre et le déluge m’y accueille, mon sac commence à prendre l’eau. Par chance quelques kirghizes installent des yourtes pour les touristes qui devraient arriver dans les prochaines semaines. Voyant ma situation, ils m’invitent très chaleureusement à prendre un thé et à dormir dans une yourte à moitié finie ! Quelle joie après toutes ces péripéties ; je vais pouvoir dormir au sec. Une omelette cuisiné par le nomade des montagnes me permet le lendemain de rejoindre Karakol, encore des étoiles plein les yeux de ces 3 jours au cœur des montagnes ! Je négocie tout de même une place sur le side-car – revenant à la ville – pour m’éviter une dizaine de kilomètres inintéressantes dans la vallée déjà visité. Je reprends alors l’autostop en sortie de la ville. Tendre mon pouce après plusieurs jours de pause est toujours excitant, l’incertitude et l’adrénaline sont au rendez vous ! Cette fois ci je tombe sur Dima, un topographe restaurateur – il faut dire qu’en Asie centrale les gens occupent beaucoup de métiers. Petit, mal rasé et le front dégarnie, il se propose rapidement de me faire visiter sa région. A ses côtes je découvre le groupe de falaises des « 7 taureaux » ; 7 parois fait de grès rouge aux nuances dorés. J’ai du mal à réaliser ce changement d’environnement, en moins de 24 heures je suis passé de la Suisse à l’Ouest Américain ! C’est ici que j’ai pu observer pour la première fois de mon existence des taureaux sauvages, évoluant dans les collines au grès de leurs envies. Dima se propose alors de m’inviter chez lui, pour me présenter sa famille ; « mon fils a commencé l’anglais à l’école cette année, je veux qu’il discute avec toi ! ». C’est le sourire jusqu’aux oreilles que je découvre ses enfants, sa femme mais également son petit village. En plus de sa maison la propriété de Dima comporte un large terrain où paissent deux vaches et trois chevaux. Souhaitant lui donner un coup de main, je me saisis d’une fourche, pique le foins pour aller le distribuer à ses bêtes. J’apprends qu’ici il est monnaie courante d’avoir des animaux ; poules pour les plus pauvres, ânes ou vaches pour la classe moyenne tandis que les chevaux sont caractéristiques des plus aisés, je suis bien tombé ! Le reste de la soirée est délicieux, entre repas traditionnel, leçon d’anglais au fils de Dima et sauna russe. C’est ému que je quitte une nouvelle fois des gens m’ayant reçu comme leur ami, comme leur frère, comme leur enfant. Je

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Les routes de la soie

L’Ouzbékistan, carrefour du monde, épicentre du commerce et berceau des routes de la soie ! C’est ici qui se marchandaient les tapis, épices, soieries et les autres trésors des milles et une nuits qui faisaient jalouser tous les seigneurs européens. Il faut dire que Marco Palo dans le devisement du monde clamait les merveilles de ces nations, alors inconnus des notables et des plus puissants d’Occident. Khiva, Boukhara et Samarcande ; des noms qui résonnaient dans la tête du petit enfant que j’étais, s’extasiant devant les récits du grand Marco Polo. Aujourd’hui j’ai la chance inouïe et le plaisir incalculable de pouvoir visiter ces cités légendaires de mes propres yeux, 700 ans après le marchand vénitien. L’Asie centrale, terre mystérieuse et incomprise où les empires des steppes se sont succédé avant les khalifats arabes et l’union des bolchéviques. Aujourd’hui je souhaite répondre à cette simple question : comment l’ancienne influence soviétique et la nouvelle influence chinoise grandissante coopèrent au centre du monde ! Xi Jinping dans le cadre de son programme des nouvelles routes de la soie désire ramener dans son girond ces nouvelles nations, traditionnellement dans la sphère d’influence russe depuis le XIXème siècle. Les desseins chinois sont colossaux ; construction des infrastructures, investissements dans les usines, développement des plateformes commerciales ou encore rénovation des bâtiments culturelles. Pour autant, la Russie de Poutine ne semble pas avoir dit son dernier mot dans la région… J’ai commencé à appréhender cette emprise chinoise en patientant dans le port de Bakou. Ecriture en caractères chinois plutôt qu’en cyrillique, drapeau rouge munis de 5 étoiles jaunes flottant côte à côte avec le drapeau Azerbaïdjanais et même une immense collections de posters et de photographies gigantesques relatant l’inauguration du port par haut membre du parti. La périphérie de l’empire soviétique serait elle en train d’être remise au centre de l’échiquier mondial par la Chine ? De la Caspienne au Xinjiang il y a 3000 km, trajet que Marco Polo effectua en 500 jours mais que Piotr mon camionneur ukrainien ferra en 5. Le réseau routier Kazakh est très surprenant. Imaginez une splendide 4 voies en plein désert, ponctué de petites stations-service et de restaurants pour les caravaniers du XXIème siècle. Avec Piotr nous avons réalisé 500 km en 6 heures avec un 38 tonnes, moyenne enviable aux routiers européennes circulant sur les autobahn. L’Ouzbékistan semble en revanche avoir été moins chanceux vis-à-vis du génie civile. La route de la frontière jusqu’aux premières villes est une piste, mélange de terre, de sable et de quelques grains de goudrons d’une autre époque. Imaginez vous, j’avais commencé le stop à 19h une fois passé toutes les formalités douanières. Le soleil n’avait pas encore terminé sa course, j’avais donc un peu de temps pour tendre mon pouce. En quelques instants j’ai trouvé deux ouzbeks roulant toute la nuit pour finalement arriver le lendemain à 7h dans la ville de Noukous ; 350 km en 9h. Il eu fallut 3 heures à Ibrahim pour se reposer, se restaurer et changer un pneu à minuit passé, quel trajet ! Voyant l’état du chemin, je fus même étonné que nous n’eûmes crevé qu’une fois. Pour un poids lourd, le temps est double. Rajoutez à cela les heures et les heures d’attente à la frontière et vous comprendrez pourquoi l’ensemble du trafics routier passe par le Kazakhstan au dépit de son voisin du Sud – bien que le chemin soit plus court sur une carte. Une fois arrivé à Khiva le choc fut important ! Parking hors normes, groupes de touristes asiatiques grouillant partout et surtout venu admirer des merveilles architecturales refaites avec les fonds culturelles chinois. Si les bazars regorgent tout de même de produits artisanaux fabriqués localement – couteaux, objets en bois, tapis ou habits – il me serait trop fastidieux d’énumérer le florilège de produits « made in China » que l’on peut trouver. Les chinois ont réussi à copier à la perfection tout ce qui faisait la renommé des ouzbèkes ; foulards, parures, bijoux … sans compter tous les magnets, cartes postales ou autres souvenirs venant « traditionnellement » de Chine. Ces touristes étaient venus dans un avion chinois, ils avaient emprunté une voie ferré construits par leurs ingénieurs, roulés dans un bus produit dans leur pays, visités avec un guide n’ayant pas grandi où il faisait visite, achetés des souvenirs peut être fabriqués dans leur ville pour tout simplement contempler des bâtiments qu’ils avaient eux même financés la rénovation. Ces chinois sont ils vraiment allés en Ouzbékistan ? Quand on sait que les seules choses Ouzbèkes avec lesquelles ils furent en contact ont été les grains de sables des tempêtes s’abattant sur Khiva ce jour là. Samarcande, perle d’Asie, joyau des Timourides et Capitale de Tamerlan est sans doute l’exception qui confirme la règle. Que je fus frappé et sans voix devant la beauté des madrasas, des mosquées ou des mausolées. L’art islamique dans toute sa grandeur est rutilant. Les bulbes torsadés bleus azurs, les gigantesques portes, les rangées d’arcades et les séries d’alcôves nous transportent dans la peau de Marco Polo. Les mots me sont difficile pour décrire ce que j’ai ressenti dans cette cité d’exception. Toujours est-il que la présence chinoise est inexistante. Comme si la république Ouzbèke avait su développer le tourisme dans une seule ville, mais que le voisin chinois avait été nécessaire pour étendre le tourisme à l’ensemble du pays ? Voies ferrés, tunnels, couronnes périphériques ont demandés l’aide du grand voisin. La jeune nation Ouzbèke, encore trop faible économiquement semble avoir eu besoin d’aide extérieure pour proposer un florilège de centre touristiques et culturelles, faisant le bonheur des touristes du monde. Plus j’avançais vers la Chine, plus sa présence était grande. Produits chinois dans les supermarchés, faciès des individus, proportion de riz dans l’alimentation ou encore la glorieuse livre sterling se faisant remplacer par les Yuan dans les bureaux de change. C’est peut-être un détail pour vous, mais même au fin fond de la Turquie ont accepté les billets à l’effigie de la reine Elisabeth… Cette sensation culmina à Almaty, dernière grande ville avant l’empire

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Le cheval

“Mes plus beaux chevaux noirsAttendaient que la guerreM’appelle à d’autres jeux,Et dans cette autre vie,Que j’étais heureux !” – Michel Sardou Si nos sociétés européennes ont rapidement troqué la chasse et la cueillette pour des villages et des champs, les sociétés d’Asie centrale sont restées nomades jusqu’au début du siècle dernier. Dans cette dynamique des peuples en mouvement perpétuel, les yourtes font places aux maisons tandis que les troupeaux remplacent les cultures. On comprend alors dans ce paradigme des civilisations tout l’importance des bovins, des moutons ou biens des chevaux. Le cheval, plus qu’aucun autre animal permet aux hommes de se nourrir et de se déplacer, ce qui l’élève en symbole de ces peuples des steppes. Le cheval occupe une place particulière dans le cœur de tous les habitants de la région. Pour comprendre ces fils de nomades il faut contempler le galop d’un groupe de chevaux sauvages, boire le Kumuz – lait de jument fermenté – au réveil, manger le bichparmak– soupe à base d’oignon et de viande d’équidé – au dîner, monter l’animal en plein milieu de la steppe, déambuler dans les marchés aux bestiaux, marchander des étriers, admirer les échoppes de selles, aller le weekend admirer le Kok-boru – sport national kirghize, semblable au foot où les joueurs sont montés et le ballon remplacé par un mouton mort – ou encore ressentir la relation si particulière qui unie le cavalier à sa monture. Le cheval c’est une ode à la liberté et à ses grands espaces qu’il permet d’embrasser. C’est l’élément de tous les possibles et les kirghizes, les kazakhs ou bien les mongols l’ont compris depuis longtemps. Ce n’est pas pour rien si Dorkan m’a confié : « Je veux que on fils soit un bon cavalier, comme moi-même et comme le fut mon père. Nos ancêtres avaient besoins des chevaux, c’est une manière de les honorer que de savoir monter à cheval ». Pour beaucoup de ces anciens cavalier des steppes, le cheval permet à la fois de conserver leur âme nomade tout en transmettant les coutumes et les traditions ancestrales de leurs aïeuls. Si son utilité a pu être mise à mal par les pick-up Toyota, le cheval et tout ce qu’il représente reste omniprésent dans ces sociétés post soviétiques. En effet, ces dernières voulant retrouver une identité culturelle forte depuis la chute de l’union, elles se sont tournées vers le cheval, l’animal parfait pour faire ressurgir leur gloire d’antan. Au delà de l’identité culturelle, le cheval incarne surtout la liberté ; la multiplication des représentations d’équidés, depuis la fin de l’URSS, illustre bien cette valeur retrouvée. Ainsi, les places des villes sont aujourd’hui ornées des grands conquérants de la steppe, afin de rendre hommage à tous les cavaliers qui ont forgés l’identité de ces peuples et qui ont chéris la liberté. Ces statues équestres font galoper les neurones de mon imagination. Comment ne pas se rêver un instant en cavalier de l’armée du grand Khan que rien ne peut arrêter ? Cuire sa viande sous la selle, changer de monture régulièrement pour toujours avancer, piquer son cheval pour boire quelques gouttes de sang afin de continuer sa chevauchée ? Ces empires des steppes, craint dans tous les recoins de l’Eurasie, nous apportent tellement plus qu’un mode de vie nomade ; ils nous prodiguent et inculquent un véritable état d’esprit, une façon d’être. La mobilité des yourtes et des troupeaux octroi une liberté absolu à ces populations. Aller paître dans cette vallée car elle nous plaît, galoper dans cette prairie car on la sent bien ou encore vivre au rythme du soleil et se passer de l’horloge du clocher nous témoigne ô combien la liberté étaient chers aux Kirghizes et aux Kazakhs. En voyageant sac au dos, je suis moi-même un peu nomade. Très régulièrement je change d’endroit pour dormir. Je plante quelques fois ma petite « yourte » et je vais visiter tel ou tel ville au grès de mes présentiments et envies. Depuis maintenant 40 jours en Asie centrale je réalise de plus en plus les similitudes entres les modes de vie nomades, que l’on soit cavalier des steppes ou autostoppeur. Pas de routine, faire ce que bon nous semble et se déplacer où nous le souhaitons, me fait prendre conscience, chaque jour, que j’ai beaucoup à apprendre de ces peuples. Ces deux modes de vie reposent chacun sur un élément essentiel. C’est un simple attribut permettant cette liberté complète et qui assouvit également les besoins du nomade. Pour l’un il s’agit du cheval, pour l’autre il s’agit du pouce. Si le cheval permet de se déplacer, de se nourrir ou de faire des rencontres, je peux vous affirmer qu’il en est de même pour le pouce. En revanche je ne sais pas si un cheval serait capable de relier la France aux îles Chatham. Je pense en effet qu’un pouce sera plus adéquat pour traverser les mers.

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Le devisement du monde

« Loin, aussi loin que je peuxEt plus loin si tu veuxPar-delà les frontières Loin, plus loin que l’au-delàOù l’horizon se noieDans le ciel et la terre »   – Michel Sardou   L’immense avantage que procure le voyage en autostop est une avancée « lente » à la surface du globe. Réalisez qu’un vol Paris-Almaty dure une petite dizaine d’heures alors qu’à la force de mon pouce ce trajet m’a pris 3 mois. 90 jours à travers lesquels je faisais quelques centaines de kilomètres par jour au maximum. Cette chance que de voyager à un rythme calme, reposé et lent m’a permis d’observer l’évolution progressive des paysages, des cultures et des hommes. C’est un luxe extraordinaire que de pouvoir comprendre et voir de ses propres yeux les évolutions successives, au fur et à mesure de ma route. Ces observations et analyses ouvrent les portes de la compréhension des peuples dans toutes leurs facettes ; géopolitique, agriculture, langage, tradition… Tout au long de mon voyage je me questionne sur des sujets extrêmement variés et la magie de l’autostop me permet toujours de trouver des interlocuteurs à même de répondre à mes interrogations.   Aujourd’hui je vous prête mes yeux pour découvrir les paysages du monde. Attachez votre ceinture et montez à l’arrière de la voiture qui vient juste de s’arrêter pour débuter ce voyage de 10 000km… Votre périple débute dans les paisibles contrées de Lorraine avec ses vertes collines et forêts millénaires. Si les vallons laissent placent à des vastes plaines viticoles en Bourgogne, le véritable premier changement est au sud de Macon. Vous avez votre première sensation d’être dans le « Sud » et cette zone frontière s’étale jusqu’au sud de Lyon. Vous plongez dans une ambiance méditerranéenne qui vous accompagnera longtemps. Bien sûr la Grèce n’est pas la Camargue mais bon, vous n’êtes plus dans les forêts du Nord de l’Europe : Les Cévennes ne ressemblent en rien aux Vosges.  Vous venez de quitter le monde germanique pour le monde latin. Le mercure monte au fil des kilomètres que vous enchainez et après plusieurs centaines de kilomètres supplémentaires vous arrivez face à la Méditerranée, quel cap ! Vous remontez alors les villes portuaires ; Marseille, Nice, Gênes jusque Rome. Franchir les cols des Alpes, traverser les paysages toscans jusqu’aux oliviers du forum romain vous fait ressentir la dolce vita : vous enlevez votre pull et chaussez vos sandales pour partir découvrir la ville éternelle. Les Apennins, colonne dorsale de l’Italie se dressent alors devant vous. Vous pénétrez dans la chaine des Abruzzes, redescendez jusqu’aux plaines des Pouilles pour embarquer à Bari et naviguer sur la mer Adriatique. Vous êtes émerveillés par les paysages du Sud des Balkans ; sommets enneigés, lacs d’altitude et cette absence complète de plaine vous accompagne jusqu’à Thessalonique. Longer le bord de mer, admirer les petites plages de sables fins, les couchers de soleil rouge ou bien les vergers d’agrumes sont devenus des habitudes depuis déjà plusieurs semaines, mais bon, vous ne vous en lassez pas ! Arriver à Istanbul vous emplit d’émotions et de fascination, c’est comme si un envoûtement s’abattait sur vous. Sur les quais du Bosphore se profile devant vous l’immense Asie. Vous quittez l’Europe, continent si petit, si familier, si connu pour découvrir les mystères du plus grand continent du monde. D’Istanbul à Ankara, vous commencez votre périple vers les contreforts de l’Anatolie ; véritable bascule vers un autre continent. Roches, falaises et absence complète de prairies ou de champs vous étonnent au plus au point. Cette atmosphère rocailleuse culmine alors en Cappadoce où les cheminées de fées, les falaises de grés et les vallées poudrées vous accueillent à bras ouvert. Si à travers 4000 km vous pouviez ne serait ce que vaguement identifier les paysages à des campagnes familières ou françaises, il n’en est plus rien à présent. Cette Turquie centrale fait voler en éclat toutes vos certitudes. Vous repartez sur la route et les bornes se succèdent. Un deuxième choc survient rapidement : tout devient gigantesque. Votre relation à l’espace n’est plus la même. Vous découvrez que chaque mètre de terrain n’est pas exploité, travaillé et occupé comme en Europe. Le vide et les grands espaces font leur apparitions. Pour la première fois depuis votre Lorraine natale, les lieux et les villes vous donnent un avant goût d’Asie et de démesure. C’est tout un monde qui s’écroule. Vous réalisez que les orangers de la méditerranée sont déjà bien loin… Ces paysages anatoliens se transforment ensuite en plateaux puis laissent place à l’immense Ararat. Montagne parmi les montagnes, ce haut lieu ou Noé descendit de l’Arche règne à cheval entre la Turquie et l’Arménie. Puis advient le Caucase, barrière naturelle entre la mer Noire et Caspienne qu’il vous faut escalader. Votre véhicule grimpe des cols à plus de 3000 mètres pour arriver en Géorgie, où vergers et vignes vous sourient. Les secousses de la route vous font réaliser l’état des infrastructures tout en vous donnant une idée de la richesse de la nation. Une fois en Géorgie c’est le début d’une longue plaine à travers un corridor de cimes enneigées, débouchant sur la ville de Tbilissi. Après quoi les alpages s’effacent un instant pour donner leur place à quelques cultures, bien vite remplacé par un désert aride, celui de l’Azerbaïdjan. Vous continuez d’avancer sans regarder derrière vous mais le désert devient de plus en plus grand. Le vert a disparu, les nuances de jaune, d’ocre, d’ambre et de safran s’offrent à vos yeux ébahis. Puis, comme par enchantement, le désert s’arrête, laissant place à la mer Caspienne. Le bleu du ciel, mélangé à celui de la mer et des nuances dorées du désert vous offre un décor digne de l’Arabie ou de l’Afrique du Nord, mais en aucun cas un souvenir de méditerranée vient à votre esprit. Après quelques jours de traversée sur une mer calme et ensoleillée, vous voilà en Asie centrale. Le Manguistan est votre première impression du Kazakhstan. Gigantesque, vide de toute vie, vous êtes surpris à chaque fois que vous croisez des véhicules et que vous voyez

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