Ferghana
« Je vous emmènerai dans les plaines les plus fertiles du monde, vous y trouverez honneur, gloire et richesse » – Napoléon Muriers, sycomores, ormes, noyers, pêchers, abricotiers, pruniers, amandiers, poiriers, cognassiers, grenadiers ou figuiers peuplent mes vergers et mes forêts. Cotons, vignes, riz, blés, tomates, concombres, fraises, carottes, pommes de terre, betteraves, courgettes, maïs ou bien luzernes dépeignent mes champs et jardins. Charbon, fer, sel ou gypse résident dans mes sous-sols. Si Napoléon lors de sa première campagne d’Italie pensait que la plaine du Pô était l’endroit le plus fertile du monde, il ne devait pas me connaître. Je possède un nombre d’habitant au kilomètre carré 100 fois supérieure à l’Asie centrale. Outre cette statistique, j’abrite sans doute les gens les plus gentils, généreux et bienveillants de l’Ouzbékistan. Je suis la vallée du Ferghana. Il est 9h ce mercredi matin lorsque Otabec vient me retrouver. Il m’est envoyé par Ravchan, mon conducteur de la veille et professeur de français. J’ai beaucoup accroché avec lui et c’est naturellement que j’ai accepté que d’aller dans son école. L’objectif de la journée est donc de visiter la ville et d’aller rencontrer plusieurs de ses établissements scolaires. Otabec, grand, souriant me met tout de suite à l’aise. Il est étudiant en littérature française et donne des cours dans l’école de Ravchan qui est son professeur à l’université. Premièrement nous devons nous rendre dans la ville de Ferghana, à 50 km de là. Otabec, n’ayant pas de moyen de locomotion commence alors à tendre le pouce au bord de la route. J’hallucine, me voilà en train de faire du stop avec un ouzbèke ! En moins de 5 minutes, un véhicule s’arrête, l’élève de Ravchan échange 4 mots, puis nous montons à bord. Si le stop peut sembler facile à première vue en Ouzbékistan, il est bon de nuancer ce constat. Depuis l’Azerbaïdjan le concept même d’autostop n’existe plus. « Autostop, c’est quoi ça ? », m’ont déjà dit des dizaines d’automobilistes. La grande diminution du nombre de voiture a rendu n’importe quel véhicule en un taxi partagé – comprenez du covoiturage non prévu. Ainsi il m’a fallut expliquer de nombreuses fois mon challenge – dans une langue qui n’est pas la mienne. Cela m’a valu l’expérience d’être déposé dans les pires des endroits possibles car je refusais de payer mais j’ai toujours réussi à avancer gratuitement. Ici il en est de même, l’autostop n’existe pas. En revanche du fait d’une précarité encore plus grande de la population cela ne me dérange absolument pas contribuer au frais d’essence. Il serait mal vu de “profiter” d’une place dans une voiture sans payer… Nous arrivons en ville en milieu de matinée et commençons par le bazar de la ville. Il est époustouflant. Tous les produits sont beaux à croquer ; fruits, légumes, pains, fruits secs et viandes colorent les étales de ce Bazar. Il ne ressemble en rien à celui d’Istanbul. En effet en questionnant les vendeurs par l’intermédiaire de mon interprète du jour, je comprends que tous les fruits et légumes ont poussé à moins de quelques dizaines de kilomètres à la ronde. Ils viennent de petits producteurs ou même de particuliers vendant leur surplus de production. C’est un endroit pour les gens qui vivent ici, et non les touristes du monde entier. Nous continuons notre exploration de la ville par un petit parc, un musée ethnographique avant d’arriver en début d’après midi à un petit restaurant. Si les gens de la région de Ferghana sont des plus gentils, ils sont également parmi les plus pieux de toute l’Asie centrale. En plein Ramadan, il est incongru de manger devant tout le monde. Du fait des rideaux sur la devanture de l’enseigne et de la réticence du serveur, Otabec devra parlementer un petit moment pour qu’on me fasse rentrer dans une deuxième salle. A l’abris de tous les regards se retrouve les personnes ne faisant pas le jeune. On y trouve des touristes, des femmes enceintes ou encore des grands-mères accompagnant leurs petits-enfants. J’ai alors l’étrange sentiment de faire quelque chose d’illégal en me restaurant. Une fois rassasié, j’entre dans l’école de Ravchan, ce dernier n’est pas là mais bon, ce sera son frère qui s’occupera de moi ! Mohammed est professeur de français, 28 ans, marié à une jeune femme de 22 ans avec qui il a déjà deux beaux enfants. En entrant dans la salle de cours je suis surpris des faibles moyens. Loin des tableaux numériques ou autre gadget des années 2020, il n’y a même plus de craie ici. J’arriverai après bien des complications à trouver un grand planisphère pour faire rêver une dizaine d’adolescentes. Ces dernières peu timide et parlant un français correct m’offriront un très belle échange. L’après midi continue par la visite de deux autres établissements, de rencontre avec une cinquantaine d’enfants et d’une centaine de photos prises. Chaque élève souhaite prendre des photos avec moi en présence de ses amis, seule ou avec l’ensemble de ses camarades de classe. Sensation d’être une star l’espace d’un moment. Voir des dizaine de personnes faire la queue pour prendre une photo avec moi est très réjouissant. Mes diapositives imprimés – à défaut de pouvoir les projeter – rajoutent beaucoup de teneur à mon discours. J’arrive à motiver les jeunes, à les inciter à apprendre les langues, à leur dévoiler les bienfaits du voyage et les avantages de l’autostop. Cette « école de la vie » semblent faire des adeptes, nombre voudraient continuer l’aventure avec moi ! Outre les moments amusants, ces rencontres dans les écoles me motivent encore davantage dans mon aventure. Je réalise encore plus ma possibilité que de pouvoir transmettre l’espoir aux jeunes, de faire rêver les enfants et surtout de leur montrer que le monde ne se résume pas à leur simple village. Les sourires des enfants, les remerciements des professeurs et les étoiles pleins des yeux est une source intarissable de motivation. En quittant la dernière école, Ravchan vient me retrouver. Quelle surprise ! Il m’invite chez lui afin de me remercier. « Cela faisait 10 ans qu’un étranger n’était