Le Marathon d’Angkor
Après une traversée éclair à travers le Sud de la Chine, le Vietnam et une partie du Cambodge, j’arrive à Siem Reap le 20 janvier 2024. Avançant sans relâche vers le Sud, de jour comme de nuit, je boucle près de 4000 km en moins d’une semaine. Une jolie performance alors que mon téléphone était cassé : je me suis trouvé subitement dépourvu de carte, d’outil de traduction et de tant d’autres fonctionnalités. Au bord des routes il m’était presque impossible de me faire comprendre, comme si on m’avait coupé la langue ! J’ai redécouvert la langue des signes et des mimes, mises de côté par les progrès technologiques. La neige n’est plus qu’un lointain souvenir, et la chaleur tropicale du Cambodge m’accueille, offrant un contraste de près de 70°C depuis la Mongolie… La visite des ruines d’Angkor équivaut à plonger à pied joint dans un livre d’histoire, révélant une civilisation qui a sombré dans l’oubli pendant de nombreux siècles. Une cinquantaine de temples, de monastères, de palais et de portes, tous plus imposants les uns que les autres, dévoilent la cité perdue d’Angkor. Désertée par sa population, la végétation a opéré un lent retour, offrant un spectacle d’une parfaite symbiose : arbres, lianes, champignons et mousses reprennent leurs droits entre les statues, les bas-reliefs et les colonnes de ce site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Je me rends de temple en temple à vélo, bravant les 35°C ambiants, lorsque qu’un motard équipé d’un gilet fluorescent me tend un mystérieux tract au sujet de l’Ultra Trail d’Angkor – UTA . Intrigué, je commence à discuter avec les bénévoles qui organisent l’événement sportif ; ils s’affairent à baliser le parcours dans les broussailles au bord de la route. La course se déroule dans 3 jours, et je suis vite emballé par le nouveau défi qui s’offre à moi. Huit épreuves sont proposées, s’étendant de 8 à 100 km, mais une distance en particulier captive mon attention : le marathon, avec ses mythiques 42,195 km. Je n’en ai jamais couru, mais ne serait-ce pas l’occasion rêvée, dans ce cadre si exceptionnel, de tenter un tel exploit ? Cette nuit-là, mon esprit bouillonne d’interrogations. Est-il encore possible de m’inscrire ? Le coût est-il raisonnable pour mon budget ? Ai-je le niveau nécessaire pour m’engager dans un marathon sans la moindre préparation ? Personne n’a jamais couru de marathon dans mon entourage, si ce n’est un ami proche de mon père, mais cela lui a pris une année de préparation, avec des entraînements 3 à 4 fois par semaine. Suis-je prêt à relever un défi aussi exigeant ? Ou serai-je inconscient ? Aux premières lueurs du jour, je me rends à l’hôtel Paradise, le quartier général des organisateurs. Là, je fais connaissance avec Laurence, une photographe professionnelle couvrant la course, Yves, un jeune retraité reconverti en speaker, Michel, un polytechnicien vidéaste, mais surtout Jean-Claude, le président de l’UTA. Toutes les informations nécessaires me sont fournies, mais un obstacle se dresse devant moi : le dossard coûte 140 $, soit mon budget pour deux semaines. Abasourdi par le prix mais pas découragé, je commence à partager mon projet avec eux, exposant mon parcours et évoquant la possibilité d’une collaboration. J’espère qu’un peu de communication de ma part pourrait les intéresser et me valoir une remise. Ne dit-on pas que qui ne tente rien n’a rien ? Ma requête trouve rapidement écho. Yves, jusque-là discret, sursaute et se souvient de moi ; il a vu mon passage sur RTL le mois dernier alors que j’étais en Mongolie. Jean-Claude, qui cherche à promouvoir sa course, est enthousiaste à la proposition et quelques minutes à la radio lui serait d’une précieuse aide. « La visibilité est le nerf de la guerre aujourd’hui » me glisse t’il. Il esquisse un sourire , me tend la main et me confirme qu’il m’offre un dossard pour le marathon dans 42 heures. Peut-on se préparer à courir 42 km en 42 heures ? J’en suis convaincu. Je me lance dans des footings, ajuste mon alimentation, m’imprègne des conseils de marathoniens trouvés sur internet, et investis dans un short de course et une casquette. Je glane aussi quelques recommandations auprès des bénévoles qui sont tous unanimes : la chaleur sera mon principal ennemi, la température prévu frôle les 35°C ! Rejoindre la liste de diffusion Après 20 pays traversés, 40 000 km d’autostop, un réveil à 3h40 du matin et un transfert en minibus, je me retrouve sur la ligne de départ du 1er marathon de ma vie. Je suis motivé et déterminé comme rarement je l’ai été ces derniers mois. Objectivement, je ne suis pas du tout prêt pour une telle épreuve, avec seulement deux minimes entraînements et une alimentation discutable. Cependant, intérieurement, je me sens bien et résolu à relever le défi. La confiance en moi acquise au cours de cette Odyssée est plus que palpable ce matin-là. Autour de moi, près de 200 athlètes s’échauffent tandis que les premiers rayons du soleil percent la nuit noire. Jean-Claude, qui m’a remis mon dossard 42 heures auparavant, donne le départ, le peloton de coureurs s’élance, il est tout juste 6h. Les premiers kilomètres traversent des sentiers, des rizières, des temples en ruines et quelques villages. Les jambes répondent bien, et je calque mon allure sur une Cambodgienne avec qui j’échange quelques mots en plein milieu de la campagne khmer. J’apprendrai par la suite qu’il s’agit de Nary Ly, la première marathonienne cambodgienne à participer aux Jeux Olympiques, rien que ça ! En traversant les villages, enfants et parents accourent pour assister à la compétition. Les plus jeunes n’hésitent d’ailleurs pas à tendre leur main pour obtenir un “check”. Mettre des sourires sur les visages des plus petits est un moteur de plus lors de l’épreuve. Les bornes s’enchaînent, j’ai une bonne vitesse et je passe sous la barre des 2 heures au semi marathon. Quand soudain, le 25ème kilomètre passé, mes jambes ne répondent plus. M’arrêtant un instant, j’essaie de redémarrer quelques secondes plus
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